Le président de la délégation aux collectivités de l’Assemblée nationale, Stéphane Delautrette, vient d’avancer plusieurs propositions pour répondre aux difficultés financières de la CNRACL. Décidée par l’exécutif, la hausse des cotisations des collectivités “ne résoudra pas” ces problèmes, estime le député socialiste, qui a trouvé 1,6 milliard d'euros de nouvelles recettes possibles.
La mise à contribution des collectivités et hôpitaux ne peut être la seule solution pour remédier à l’aggravation du déficit de la CNRACL. C’est l’alerte que lance le président socialiste de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, Stéphane Delautrette, dans un rapport sur le financement et les difficultés financières de cette caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Un rapport où le député avance plusieurs propositions pour dégager de nouvelles recettes en faveur de la CNRACL, sans donc ponctionner davantage les collectivités. Ces recommandations sont issues de tables rondes organisées aux mois de mars et avril par la délégation et qui ont réuni des employeurs territoriaux, mais aussi des inspections générales qui avaient planché sur le sujet en 2024.
Les travaux engagés par les députés faisaient suite à la hausse décidée par l’exécutif de 12 points en trois ans du taux de cotisation “employeur” à la CNRACL. “Nul ne conteste [sa] situation [budgétaire] de plus en plus critique”, concède Stéphane Delautrette. Mais, juge-t-il, “on peut raisonnablement considérer que l’option choisie par le gouvernement constitue une solution de facilité et regretter que les autres pistes de réforme évoquées par les corps d’inspection dans leur rapport précité n’aient pas été plus explorées”.
Surtout, abonde le parlementaire, “en dépit de la charge excessive qu’elle fera peser sur les finances locales”, la hausse de ce taux de cotisation “ne résoudra pas pour autant les problèmes financiers de la CNRACL”. À ses yeux, en effet, le supplément de recettes provenant desdites cotisations des collectivités “s’avèrera probablement insuffisant, à court terme, pour rééquilibrer les comptes de la Caisse”. L’occasion également pour Stéphane Delautrette de relever un “renchérissement” du coût salarial d’emploi des fonctionnaires territoriaux. Ce qui, redoute-t-il, “pourrait conduire les collectivités à privilégier le recrutement d’agents contractuels”, qui, eux, cotisent au régime général de retraite et non à la CNRACL. “À plus ou moins long terme, il en résultera une attrition de la base cotisante qui rendra d’autant plus difficile la couverture par la caisse des prestations qu’elle sert”, estime-t-il.
Mise à contribution de la Cnaf
Le président de la délégation aux collectivités profite aussi de son rapport pour pointer la structuration spécifique des recettes de la CNRACL qui reposent quasiment intégralement sur des cotisations. Une “anomalie”, selon lui, par rapport aux autres régimes de retraite qui se financent par l’impôt “pour une part non négligeable”. Aussi, explique-t-il, cette caisse de retraite “devrait pouvoir s’appuyer à terme, elle aussi, sur un socle de fiscalité transférée”.
Pour autant, affirme Stéphane Delautrette, sa situation financière “se dégrade si vite que l’on ne peut attendre une hypothétique réforme globale”. D’où l’appel de la délégation à mettre en œuvre “dès 2026” des mesures “qui permettront de soulager les comptes de la Caisse et de sécuriser le versement des prestations”. Selon eux, cela devrait tout d’abord passer par la mise à contribution de la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) “pour aider la CNRACL à financer l’octroi de certains avantages non contributifs qui s’apparentent à des prestations familiales ou à des dispositifs de solidarité pour cause de maladie ou d’invalidité”.
La délégation recommande précisément d’instaurer un remboursement par la Cnaf de la charge financière représentée par la majoration pour enfants appliquée aux pensions des affiliés de la CNRACL. Elle préconise aussi de faire financer par ce FSV, puis par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) la part des pensions d’invalidité et de retraite résultant de la garantie de pension minimale équivalente à la moitié du dernier traitement brut perçu pour les pensionnés dont le taux d’invalidité est au moins égal à 60 %. Pour la délégation, une compensation devrait aussi être apportée pour la charge financière représentée par la validation des trimestres partiellement cotisés par les affiliés pendant les périodes de congé de maladie.
Élargissement de la base cotisante
Dans son rapport, elle recommande également d’élargir la base de cotisation de la CNRACL, pour dégager des recettes supplémentaires, et d’en profiter pour mettre un terme à une “distinction injustifiée” entre fonctionnaires territoriaux. À ce propos, elle juge “opportun” de supprimer le “seuil horaire d’affiliation” actuellement de vingt-huit heures hebdomadaires. Un seuil en-deçà duquel un fonctionnaire territorial est contraint de cotiser au régime général et à l’Institution de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec). Et non pas donc à la CNRACL.
Au total, selon le député Stéphane Delautrette, ces mesures permettraient à la caisse de bénéficier de 1,6 milliard d’euros de nouvelles recettes chaque année. “La mise en œuvre des mesures précitées pourrait, dès lors, être l’occasion, d’alléger quelque peu la charge pesant sur les collectivités en annulant le deuxième relèvement de taux prévu en 2026”, explique Stéphane Delautrette.
Le président de la délégation aux collectivités le concède toutefois : “Naturellement, le maintien d’un déficit budgétaire, même légèrement réduit, oblige la CNRACL à s’endetter davantage pour couvrir ses dépenses”. Aussi, “dans l’attente d’une diversification des recettes”, il juge “indispensable” de permettre à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) de “reprendre l’intégralité” de la dette de la CNRACL. Charge désormais au gouvernement Bayrou d’examiner l’ensemble de ces propositions dans la perspective de l’examen du budget 2026.
Et quid des contractuels ?
L‘affiliation des contractuels à la CNRACL n’est pas plaidée par la délégation aux collectivités de l’Assemblée nationale. Cette perspective s’annoncerait complexe à mettre en œuvre et “n’apporterait qu’une solution limitée aux difficultés de la Caisse”,explique Stéphane Delautrette. Dans son rapport, il revient néanmoins également sur la recommandation des inspections de créer une taxe sur les salaires versés aux contractuels afin notamment “de rendre plus onéreuse l’embauche de contractuels” et “de réduire le différentiel de coût entre fonctionnaires et agents contractuels”. Cette charge “pèserait” néanmoins “directement sur les employeurs publics territoriaux”, affirme le président de la délégation
16 mai 2025
Bastien Scordia
pour ACTEURS PUBLICS