Véolia-Suez : accord de principe en vue de leur rapprochement

Rédigé le 13 avril 2021

Il aura fallu presque huit mois pour que la saga trouve une issue. Dimanche soir, les conseils d’administration de Véolia et Suez ont conclu un accord de principe sur les principaux termes et conditions du rapprochement entre les deux groupes. Ces derniers ont maintenant un mois pour conclure un accord définitif.

 

Aperçus dans la presse...

 

La Croix : Veolia réussit finalement à mettre la main sur Suez

 

« C’est l’épilogue d’un dossier qui déchire le monde des affaires depuis le mois de septembre. Veolia et Suez ont annoncé, lundi 12 avril, avoir trouvé un accord de principe en vue d’un rapprochement. Ce nouvel ensemble crée un « champion mondial de la transformation écologique », au chiffre d’affaires d’environ 37 milliards d’euros, selon un communiqué. Un accord définitif doit être trouvé d’ici au 14 mai. »

 

« Pour réaliser son OPA, Antoine Frérot, le PDG de Veolia, a consenti à faire un important effort financier : 20,50 € par action Suez, alors qu’il proposait initialement 18 €, le prix qu’il avait payé à Engie pour s’emparer de 29,9 % du capital. »

 

« Le groupe Suez ne disparaît pas pour autant, mais se retrouve fortement amoindri, avec un chiffre d’affaires d’environ 7 milliards d’euros, soit 10 de moins qu’aujourd’hui. Il conserve les activités d’eau et de déchets en France, ainsi l’eau en Italie, en République tchèque, en Afrique, en Asie centrale, en Inde, en Chine et en Australie. Il regrouperait environ 45 000 salariés, soit la moitié des effectifs actuels. »

 

« Son capital devrait être détenu par le fonds Meridiam, de Thierry Déau ; par le fonds Ardian, de Dominique Senequier associé à l’Américain Global Infrastructure Partners (GIP), ainsi que la Caisse des dépôts (CDC), bras armé de l’État. La répartition du capital n’est pas encore connue. « L’actionnariat du nouveau Suez devra être majoritairement français », se borne à indiquer le communiqué. Meridiam et Ardian GIP pourraient avoir 40 % chacun des parts. La CDC pourrait ensuite laisser sa place aux salariés. » « Dans un communiqué, Ardian se montre néanmoins plus prudent, affirmant n’avoir « pas participé aux négociations préalables à cet accord », et expliquant qu’il allait « désormais en étudier les conséquences. » »

 

« La plupart des protagonistes ont finalement aujourd’hui une raison de se montrer satisfait, (…) Certains s’interrogent néanmoins sur la viabilité de certaines activités, comme les déchets, réduite pour Suez au seul périmètre français. En attendant, les actionnaires de Suez obtiennent un bon prix, alors qu’il y a un an, le cours était tombé en dessous de 9 €.

(…) Contre vents et marées, le PDG de Veolia est arrivé à ses fins, même si le plus dur reste encore à faire avec la constitution de ce nouveau numéro un mondial. »

 

Le Monde : Comment Veolia et Suez sont parvenus à « l’accord du Bristol » en vue de leur rapprochement

 

« Il s’en passe des choses, au Bristol. C’est dans ce palace du 8e arrondissement de Paris que la fin des hostilités a été signée, dimanche 11 avril, vers 21 heures. Il y avait là Antoine Frérot, PDG de Veolia, accompagné de l’ancien patron de Renault, Louis Schweitzer, administrateur clé du numéro un mondial des services à l’environnement. Face à eux se trouvaient Philippe Varin, président du conseil de Suez, flanqué de Delphine Ernotte, une administratrice de poids, par ailleurs présidente de France Télévisions. Et au milieu, Gérard Mestrallet, presque étonné d’avoir réussi aussi vite une médiation qui s’annonçait pourtant longue et difficile entre les dirigeants des numéros un et deux mondiaux des services à l’environnement (eau, déchets, énergie). »

 

« Les deux maisons sont en concurrence depuis la fin du XIXe siècle. Et en guerre ouverte depuis ce 30 août 2020, lorsque M. Frérot a annoncé le grand projet de sa vie de chef d’entreprise : absorber l’ex-Lyonnaise des eaux pour créer en France le « champion mondial de la transformation écologique ». (…) »

 

« Au fil des mois, le conflit autour de cette offre publique d’achat (OPA) hostile est devenu si délétère que de plus en plus de protagonistes sentent qu’il faut en sortir au plus vite. (…) Une médiation s’impose. Celle du ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, et du directeur du Trésor, Emmanuel Moulin, avait échoué à l’automne.

Pour assurer cette délicate mission, M. Varin propose le nom de M. Mestrallet, qui vient de s’associer avec Maurice Lévy, ancien patron de Publicis, et l’Italien Enrico Letta, pour soutenir la création par deux avocats d’une plate-forme internationale de médiation. M. Frérot accepte le choix de l’ex-PDG de Suez parce que « c’est un industriel ». Sans doute est-il aussi le plus qualifié pour trouver une voie de sortie, même s’il était au départ hostile à l’OPA de Veolia. M. Mestrallet ne cache pas qu’il a lui aussi rêvé d’un tel mariage, qui avait donné lieu en 2012 à des négociations avancées avec M. Frérot. »

 

« Dès jeudi 8 avril, M. Mestrallet reçoit les deux parties séparément. Durant trois jours, il va les consulter sur le prix de l’action Suez et le périmètre d’activité qui restera à son ancienne société. M. Frérot ne lâche rien sur les « actifs stratégiques » qu’il veut arracher à Suez : Agbar, le géant de l’eau de Barcelone, les activités au Chili, aux Etats-Unis, en Australie et au Royaume-Uni. Tout juste concède-t-il une partie de l’eau en Chine. Ces actifs sécurisés, il accepte de porter son offre de 18 euros à 20,50 euros par action Suez. Un minimum réclamé par la « cible », qui correspond aussi à l’état actuel d’un marché boursier euphorique. »

 

« De son côté, Bruno Le Maire reçoit le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Eric Lombard, et lui indique qu’il souhaite que l’établissement public, déjà actionnaire de Veolia (6,5 %), se renforce dans ce qu’il reste de Suez, aux côtés des salariés, des fonds français Meridiam et Ardian, et de l’américain GIobal Infrastructure Partners, tenus à l’écart de ces ultimes négociations. Ce que la CDC devrait faire et qui donnera à l’opération une coloration publique susceptible de rassurer des syndicats dès le départ hostiles à l’opération Veolia.

Le ministre de l’économie se réjouit immédiatement, lundi, d’un « accord à l’amiable » qui, selon lui, préserve la concurrence en France, les capacités de développement futures de Suez à l’international et les emplois dans l’Hexagone. »

 

« L’opération doit être définitivement conclue d’ici au 14 mai, avant d’être soumise à l’examen d’une vingtaine d’autorités de la concurrence, dont celle de la Commission européenne. Elle laisse subsister dans le paysage deux groupes au profil très différent qui resteront en concurrence sur le marché hexagonal (avec la Saur) et dans les quelques pays étrangers où Suez pèsera encore. »

 

Le JDD : Veolia-Suez : ce que l'on sait de l'accord surprise entre les deux groupes

 

« Un accord surprise entre Veolia et Suez. Après huit mois à s'écharper, Veolia et Suez, les deux géants français de la gestion de l'eau et des déchets, ont annoncé lundi un accord de principe pour que le premier absorbe en partie son rival. L'objectif ? Donner naissance à un "champion mondial de la transition écologique". "Toutes les parties prenantes des deux groupes sortent (...) gagnantes", s'est réjoui dans un communiqué commun le PDG de Veolia, Antoine Frérot, tandis que son homologue de Suez, Philippe Varin a salué "un accord qui reconnaît la valeur" de son groupe. »

 

« Huit mois de bataille intense par médias interposés. D'un vaste désaccord initial, les deux entreprises sont parvenues à une série de compromis et espèrent conclure des accords définitifs d'ici au 14 mai. Ce serait alors la conclusion d'une bataille quasi-épique à grands coups de propos chocs tenus dans la presse, de recours en justice et d'appels téléphoniques à Bercy. Les deux groupes français s'affrontaient depuis août dernier et l'acquisition par Veolia en octobre de 29,9% de Suez auprès d'Engie. Veolia avait ensuite lancé une OPA hostile sur le reste des actions Suez. Et si, sous la pression du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, chacun affichait régulièrement sa volonté de tendre la main à son rival, ils maintenaient leurs conditions respectives, donnant l'impression d'un dialogue de sourds. »

 

« Les inquiétudes des syndicats. Les actionnaires de tous bords sont heureux, comme le prouve la réaction de la Bourse de Paris, où le titre Veolia a bondi lundi matin de près de 9% et celui de Suez de pratiquement 8%. Mais quelle sera l'ampleur de la casse sociale alors que Suez compte 90.000 salariés dans le monde, dont 30.000 en France ? Selon le communiqué, l'accord de principe prévoit quatre ans de maintien de l'emploi et des acquis sociaux dans le nouveau Suez. Mais Hervé Déroubaix, secrétaire général du Syndicat national des personnels de l'eau et de l'assainissement, dit attendre de voir les conditions dans lesquelles les salariés de Suez allaient passer dans le nouvel ensemble "pour qu'ils ne soient pas perdants et qu'il y ait un vrai projet social et stratégique". (…) »

 

« Une réunion à Bercy, notamment sur le sujet de l'emploi. Lundi à 18 heures, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, réunissait les acteurs du dossier pour s’assurer que "le projet d'accord respecte bien les engagements en matière d'emploi", a indiqué son entourage au JDD. Les PDG Antoine Frérot et Philippe Varin, le DG de Suez Bertrand Camus, le patron de la Caisse des dépôts (CDC) Eric Lombard et le directeur du Trésor Emmanuel Moulin y participent. Ce dernier a fait l'intermédiaire entre Veolia et Suez pendant huit mois. La semaine dernière, devant l'impasse dans laquelle se trouvait alors le dossier, Bercy avait fait pression sur les parties en présence lors d'une réunion d'urgence. Toujours selon l'entourage du ministre, Bruno Le Maire avait décidé que si les deux groupes n'arrivaient pas à une solution négociée, la CDC ne resterait pas actionnaire de Veolia dont elle détenait 6,5% fin 2020, faisant augmenter la pression pour parvenir à un compromis. Le ministère entend désormais veiller au maintien de l'emploi et compte faire pression jusqu'au 14 mai en ce sens. »

 

Libération : Avec Suez, Veolia tire le gros l’eau

 

« «Un accord gagnant gagnant gagnant gagnant. Le temps de l’affrontement est terminé, le temps du rapprochement commence». C’est en ces termes qu’Antoine Frérot, PDG de Veolia, a qualifié l’accord annoncé ce lundi avec Suez, la cible qu’il convoitait depuis huit mois. «Nous avions appelé de nos vœux une solution négociée depuis de longues semaines et nous avons aujourd’hui trouvé un accord de principe qui reconnaît la valeur de Suez», a souligné le président de ce dernier, Philippe Varin, dans le même communiqué. Le numéro 2 français de la gestion de l’eau et des déchets va donc être racheté par le numéro 1 du secteur, Veolia, exception faite des activités françaises de Suez (et de quelques contrats en Chine et en Afrique) qui seront reprises par trois fonds d‘investissement Meridiam, Ardian et GIP auxquels s’ajoutera la Caisse des dépôts et consignations. Ce découpage était de toute manière rendu obligatoire par les autorités de la concurrence françaises et européennes. En rachetant et en conservant la totalité des actifs de Suez, Veolia se serait retrouvé en position hyper dominante sur le marché français. Les élus locaux n’auraient plus eu suffisamment le choix avant de signer un contrat de distribution d’eau ou de traitement des déchets, avec le risque que le nouveau géant de l’eau dicte ses conditions et que la facture s’envole pour les usagers… Danger pour l’heure écarté, au moins à court terme. »

 

« Pour emporter l‘affaire, Veolia a cassé sa tirelire et rajouté 1,4 milliard d’euros à son offre initiale. Chaque action Suez sera rachetée au prix de 20,50 euros au lieu de 18 euros proposés initialement. Le nouveau Veolia, présenté comme un «champion mondial de la transformation écologique», pèsera 37 milliards d’euros de chiffre d’affaires contre 26 milliards jusqu’à présent, après avoir avalé les actifs internationaux de Suez. A contrario, ce qui reste de l’ex-Lyonnaise des eaux, Suez France, pèsera 6,9 milliards d’euros d’activité comparés à 16 milliards aujourd’hui. »

 

« Pour autant, la décision arrêtée à 2h30 du matin dans la nuit de dimanche à lundi laisse certains dubitatifs, y compris jusque dans les instances dirigeantes de Suez : «On est un peu groggy, il y a certes un bon prix, mais tout ça pour ça… Nous avons travaillé sur plusieurs scénarios de sortie pour rester indépendants, mais le fait que Veolia ait déjà 30 % de Suez rendait une autre issue difficile», dit à Libération un décisionnaire de premier plan dans la hiérarchie de Suez. »

 

« Les organisations représentant les salariés de Suez sont en tout cas bien loin de sabler le champagne. D’abord parce qu’elles ont appris au dernier moment l’accord passé par leur direction avec Veolia. «Je pense que le conseil d’administration de Suez s’est lamentablement couché devant la pression mise par Veolia», grince Franck Reinhold von Essen, représentant de l’intersyndicale Suez. Il ne prend également pas pour argent comptant les garanties apportées sur l’emploi pour une durée de quatre ans par Veolia : «Rien ne nous dit qu’il n’y aura pas de plans de départ volontaires ou des ruptures conventionnelles collectives qui ne sont pas considérés comme des licenciements. Dans nos métiers, le maintien de l’emploi dépend avant tout de la capacité à conserver des contrats avec nos clients.» Les deux parties ont maintenant jusqu’au 14 mai pour finaliser leur accord avant la cession proprement dite : «Nous finaliserons le projet l’offre publique d’achat à l’automne», a indiqué Antoine Frérot. L’histoire économique retiendra sans doute qu’il s’agit d’un mariage forcé plutôt que d’une union fusionnelle. Et pour bon nombre de salariés de Suez, la lune de miel risque d’avoir un goût amer. »

 

AFP : Le rachat par Veolia «est un compromis, tout n'est pas parfait», selon le DG de Suez

 

« L'achat par Veolia d'une bonne part de Suez «est un compromis» et «tout n'est pas parfait», a consenti mardi le directeur général de Suez, Bertrand Camus, au lendemain d'un accord trouvé entre les deux géants de l'eau et des déchets. »

 

« Après presque huit mois de bataille judiciaire, médiatique et boursière, Veolia et Suez ont enterré la hache de guerre lundi, le deuxième ayant fini par céder aux avances du premier.

«Oui, c'est un compromis, tout n'est pas parfait, mais il était temps d'arriver à cette solution», a résumé le directeur général de Suez au micro de France Inter. «Nous nous sommes fixés une ligne dès le début de cette opération face à l'attaque de Veolia, c'était à la fois de pouvoir préserver un groupe, un concurrent à Veolia sur les marchés domestiques et à l'international, avoir aussi des garanties sociales pour nos employés et un juste traitement des actionnaires. Quand on regarde le chemin parcouru au bout de sept mois, ces trois objectifs ont été atteints», a-t-il estimé. »

 

« Evoquant le PDG de Veolia, Antoine Frérot, Bertrand Camus a estimé que l'opération était «un mouvement qui est intéressant pour lui». Suez «a d'excellents résultats, il est venu chercher ce qui lui manquait, il a mené son opération. Ce qui était très important, c'est qu'après ces 7-8 mois de bataille, on arrive à s'asseoir et à trouver un compromis. Il y a un respect professionnel», a-t-il indiqué. Il faut encore un an pour boucler cette opération», a-t-il tenu à préciser.Interrogé sur son intention de rester ou pas dans ses fonctions, Bertrand Camus n'a pas souhaité répondre, indiquant qu'il n'y avait «pas de décision prise». »

 

RTL : L'accord Veolia-Suez va-t-il avoir des conséquences sur votre facture d'eau ?

 

« C’est la question qui se pose juste après l'accord trouvé lundi 12 avril. Car Véolia-Suez (…), ce sont également des collectivités locales, les principaux services financiers de l'État et notre quotidien : celui de l'eau du robinet et de nos poubelles. »

 

« Quelles conséquences sur nos factures ?

Est-ce qu'il y aura assez de concurrence pour mettre la pression sur les prix ? Ou est-ce que la facture d'eau va augmenter ? En fait, il n'y a pas un seul prix de l'eau car ce sont chacune des collectivités locales qui déterminent le prix en fonction du prestataire bien sûr. Et on voit que de plus en plus de grandes villes choisissent de revenir à une régie municipale pour avoir la main sur les tarifs. »

 

« Cela n'empêche pas la collectivité locale de faire appel ensuite à Veolia, Suez ou la Saur comme prestataire. Ce sont des contrats qui courent sur plusieurs années (6 ou 10 ans). Donc cette fusion de deux principaux acteurs ne va pas se ressentir tout de suite. Le fait qu'il y ait encore les deux entreprises est aussi là pour assurer une concurrence, mais c'est vrai que les trois quarts des maires interrogés il y a quelques mois, redoutaient une hausse des prix à terme à la suite de ce rapprochement. Aussi, les maires doivent-ils craindre cette fusion ? En réalité, si on regarde l'évolution du prix de l'eau du robinet depuis 10 ans, il a augmenté de plus de 10%. Plus que l'inflation. C'est ce qu'a montré une enquête de 60 millions de consommateurs, il y a quelques jours. Les tarifs varient même de 1 à 5 en fonction des villes. »


« Mais la réalité, c'est qu'il s'agit du coût de l'entretien du réseau. Le prix augmente quand une collectivité a laissé son réseau sans entretien pendant des années et doit financer des travaux. Même chose pour la taxe sur les ordures ménagères qui augmente de 2 à 3% par an.  Mais les maires ne cachent pas que c'est un des derniers leviers qu'ils ont pour faire entrer de l'argent dans les caisses à la suite de la suppression de la taxe d'habitation. En clair, avec ou sans la fusion entre Veolia et Suez, les tarifs ont tendance à monter mais ce n'est pas uniquement lié à l'avidité des grands groupes. Et il faut savoir que les tarifs de l'eau restent parmi les plus bas d'Europe. »