« Les bibliothécaires ne se sont pas sentis soutenus et reconnus pendant la crise sanitaire »

Rédigé le 17/02/2022

Hélène Brochard, directrice de la médiathèque de Villeuve d'Ascq (Nord), a été élue présidente de l'Association des bibliothécaires de France le 31 janvier. Pour La Gazette, elle fait le point sur les priorités de son mandat et le contexte inédit dans lequel les bibliothécaires commencent l'année 2022.

Quelles sont les priorités de votre mandat ?

Notre nouveau bureau va faire la transition avec le précédent, puisqu’une partie des ambitions du mandat de 2019 à 2022 n’ont pas pu être menées à bien en raison de la crise sanitaire, qui a bousculé la vie de notre association et celle des bibliothèques.

Parmi les priorités figurent, notamment, le renforcement de notre plaidoyer pour les bibliothèques, le travail avec les autres associations de bibliothécaires (1), la réflexion sur la façon de s’emparer de la loi « Robert ». A cela s’ajoutent des chantiers relatifs à la vie de l’association : retour à l’équilibre financier après l’annulation de deux congrès en présentiel en 2020 et 2021 pour cause de covid (2), réflexion sur l’avenir de nos publications, évolution de nos statut…

L’ABF compte- t–elle interpeller les candidats à l’élection présidentielle ?

Nous sommes en train d’y travailler, et comptons arrêter notre position au mois de mars. Le travail sur le plaidoyer, évoqué à l’instant, prendra toute son importance. Nous ne nous limiterons pas notre horizon à la seule élection présidentielle, mais envisagerons aussi les législatives qui vont suivre.

La loi « Robert » est-elle le marqueur d’un tournant  pour les bibliothèques territoriales ?

Oui, dans la mesure où elle est porteuse d’une reconnaissance politique des bibliothèques publiques. Il reste à voir comment cette loi va vivre concrètement et au quotidien dans nos équipements. Nous avons besoin de temps pour voir comment les collectivités et les professionnels vont s’emparer de ce texte. L’ABF va préparer une fiche pratique pour accompagner les professionnels dans la mise en œuvre de cette loi.

Durant le quinquennat qui s’achève, on n’a jamais autant parlé des bibliothèques…

Certes, ce mandat présidentiel aura été marqué par le vote de la première loi sur les bibliothèques. La déclaration de la lecture comme Grande cause nationale est également un point positif dans la mesure où elle va donner à nos équipements une plus grande visibilité, même si, à ce stade, il reste difficile de voir comment traduire concrètement cette initiative.

Cependant, les mesures sanitaires pèsent sur le ressenti des bibliothécaires, qui n’ont pas eu le sentiment d’être soutenus et reconnus. En 2020, nous avons dû faire face à la réouverture précipitée des bibliothèques annoncée lors du discours du Premier ministre d’alors [Edouard Philippe, ndlr] sur la sortie du premier confinement. En 2021, nous avons dû subir une différence de traitement entre bibliothèques municipales et bibliothèques universitaires : les premières, qui relèvent du ministère de la Culture, ont été soumises au passe sanitaire, puis vaccinal, mais pas les secondes. Ces dernières, qui relèvent du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, ont bénéficié de l’exception « étude-recherche ».  Où est la cohérence ?

Par ailleurs, dans les bibliothèques territoriales, l’application du passe a consommé tellement d’énergie en termes de gestion « RH », que nos collègues n’ont guère eu le temps de se consacrer à d’autres dossiers.

Le passage du passe sanitaire au passe vaccinal a–t-il généré de nouvelles difficultés ?

Globalement, les problèmes sont restés les mêmes : la mise en œuvre concrète des contrôles à l’entrée des bibliothèques et la délégation de ces contrôles aux bibliothécaires. Mais cette nouvelle étape a ravivé la colère des usagers opposés au principe du passe, comme nous l’avons vécu au début du passe sanitaire.

16 février 2022
La Gazette des Communes