Loi Sécurité globale : quel impact pour les collectivités ?

Rédigé le 01/04/2021

La proposition de loi Sécurité globale a été adoptée le 29 mars en commission mixte paritaire. De nombreuses dispositions concernent directement les collectivités : expérimentation sur l'élargissement des compétences de police municipale, renforcement des instances partenariales de sécurité et définition d'un régime juridique pour les drones.

« Loi sécurité globale préservant les libertés. » C’est finalement l’intitulé choisi pour la proposition de loi relative à  la sécurité globale. Une dénomination chère aux sénateurs qui montre « l’équilibre entre des préoccupation légitimes ».

Lundi 29 mars, ils ont trouvé avec les députés un accord sur ce texte porté par Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue. Les objectifs principaux : renforcer l’articulation des forces de l’ordre et leur protection, encadrer le recours aux nouvelles technologies et renforcer la structuration de la sécurité privée.

Pour rappel, ce texte s’inspire directement du rapport sur le continuum de sécurité présenté en septembre 2018. Il a ensuite été modifié, et enrichi à la demande du gouvernement pour prendre en compte de nouveaux enjeux (livre blanc de la sécurité intérieure, protection des forces de l’ordre…) et coller aux besoins des collectivités. En effet, une large partie du texte est consacrée à l’expérimentation de l’élargissement des compétences des policiers municipaux, une demande forte des élus locaux. Il est aussi question de l’encadrement des nouvelles technologies, telles que les drones, que les agents seront désormais habilités à utiliser.

En attendant le vote solennel puis la promulgation qui interviendra dans les 30 jours suivants, voici les principaux points à retenir.

Expérimentation PM

Apport majeur de ce texte pour les policiers municipaux et les gardes champêtres : l’élargissement possible de leurs compétences (article 1er). Les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre employant au moins 15 agents de police municipale ou gardes champêtres, dont au moins un directeur de police municipal ou un chef de service pourront demander à participer à l’expérimentation pour une durée de 5 ans.

Candidature

La candidature d’une commune est présentée par le maire, après délibération du conseil municipal. Celle d’un établissement public de coopération intercommunale par son président. Elle portera alors seulement sur le territoire des communes dont le maire et le conseil municipal ont préalablement exprimé leur accord. C’est finalement un arrêté conjoint des ministres de l’Intérieur et de la Justice qui déterminera les collectivités autorisées à mettre en œuvre l’expérimentation en fonction des circonstances locales (organisation de la coopération locale entre les services de police municipale, les forces de sécurité de l’Etat et le procureur de la République, convention de coordination).

Formation

A noter qu’un arrêté du ministre de l’Intérieur déterminera les obligations de formation complémentaire s’imposant aux agents concernés, ainsi que les modalités de financement de ces obligations.

Compétences élargies

Les policiers municipaux et les gardes champêtres auront de nouvelles prérogatives. Ils pourront constater par procès-verbal :

  • La vente à la sauvette et procéder à la saisie des produits (un décret déterminera les conditions de la saisie)

  • La conduite sans permis

  • Les rodéos motorisés

  • Le défaut d’assurance

  • L’entrave volontaire à la circulation publique

  • L’occupation de halls d’immeubles et le squat d’un terrain lorsqu’il appartient à une personne publique

  • L’usage de stupéfiants et procéder à la saisie des produits (un décret déterminera les modalités de destruction des produits saisis)

  • L’introduction illégale dans un local appartenant à une personne publique

  • Les tags

  • Le port ou le transport, sans motif légitime, individuel ou par au moins deux personnes d’armes, de munitions ou de leurs éléments de la catégorie D

  • Les contraventions relatives aux débits de boisson, à la lutte contre l’alcoolisme, à la répression de l’ivresse publique et à la protection des mineurs lorsqu’elles ne nécessitent pas d’actes d’enquête.

Les agents pourront également relever l’identité des auteurs de ces délits afin d’en dresser le procès-verbal.

Après habilitation par le procureur général et une formation, les directeurs ou les chefs de service de police municipale pourront de leur côté procéder à l’immobilisation et la mise en fourrière d’un véhicule.

Les agents concernés devront adresser sans délai leurs rapports et procès-verbaux simultanément au maire et, par l’intermédiaire des directeurs de police municipale ou des chefs de service habilités, au procureur de la République. Une copie sera adressée aux officiers de police judiciaire de la police ou de la gendarmerie nationales territorialement compétents.

Evaluation

En plus d’une évaluation intermédiaire, les collectivités concernées devront remettre un rapport d’évaluation au gouvernement au plus tard neuf mois avant le terme de l’expérimentation. Le gouvernement remettra de son côté au parlement un rapport d’évaluation général au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation. Un décret fixera des critères d’évaluation communs.

Organisation et fonctionnement des PM

Création de la police municipale de Paris

L’article 4 permet la création de la police municipale de Paris par décret en Conseil d’Etat et après avis du Conseil de Paris. Les agents bénéficieront d’une formation équivalente à celle des policiers municipaux des autres collectivités, dispensée par la Ville de Paris. Elle pourra s’appuyer sur les administrations et établissements publics de l’État chargés de la formation des fonctionnaires de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale ainsi qu’avec le Centre national de la fonction publique territoriale. Il est précisé sur les agents déjà formés pourront être dispensés de tout ou partie de la formation au regard de leur expérience professionnelle.

Un conseil parisien de sécurité réunira le maire de Paris ou son représentant, et les maires d’arrondissement ainsi que le préfet de police. Au moins une fois par trimestre, il sera consulté sur les politiques municipales en matière de sécurité et de tranquillité publiques ainsi que sur la doctrine d’emploi de la police municipale.

Mutualisation des agents

L’article 5 doit faciliter la mutualisation des polices municipales. Désormais, elle sera possible pour les communes limitrophes ou appartenant à une même agglomération au sein d’un même département ou à un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Elles peuvent former un syndicat de communes afin de recruter un ou plusieurs agents de police municipale en commun, compétents sur le territoire de chacune des communes et doivent se doter d’une convention de coordination avec les forces de sécurité de l’Etat. En cas de demande de port d’arme, elle devra être établie conjointement par le président du syndicat de communes et l’ensemble des maires de ces communes.

L’ensemble des communes intéressées conclue une convention pour préciser les modalités d’organisation et de financement de la mise en commun des agents et de leurs équipements. Si l’une des communes se retire, cela n’a pas d’effet sur l’application de cette convention pour les autres communes participantes.

En cas de catastrophe naturelle ou technologique, les maires de communes limitrophes ou appartenant à un même département ou à des départements limitrophes peuvent être autorisés, par arrêté du représentant de l’État dans le département ou par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés, ou par arrêtés municipaux concordants des maires des communes concernées, à utiliser en commun, sur le territoire d’une ou plusieurs communes, pour un délai déterminé, tout ou partie des moyens et des effectifs de leurs services de police municipale (article 6 bis B). Cette faculté s’exerce exclusivement en matière de police administrative. Il en est de même pour les gardes champêtres.

Fidélisation des agents

Un agent formé par une commune ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pourra se voir imposer un engagement de servir pour trois ans maximum à compter de sa titularisation (article 6). S’il rompt l’engagement prévu, il devra rembourser le coût de sa formation. Il peut aussi en être dispensé par le maire ou le président de l’EPCI pour des motifs  impérieux (état de santé ou nécessité familiale). Un décret déterminera les modalités de calcul de la somme correspondant au coût de la formation.

Brigades cynophiles

L’article 6 bis permet la création de brigades cynophiles sur décision du maire, après délibération du conseil municipal. Un décret en Conseil d’Etat précisera les conditions de création, de formation et d’emploi de cette brigade ainsi que les conditions de dressage, de propriété, de garde et de réforme des chiens.

Diagnostic de sécurité

Un diagnostic des problématiques de sûreté et de sécurité auxquelles est confronté le territoire devra être réalisé avant l’établissement des conventions de coordination entre les polices municipales et les forces de sécurité de l’Etat (article 6 quater A).

Commission consultative des polices municipales

Les adjoints au maire des communes employant des agents de police municipale ou faisant partie d’un établissement public de coopération intercommunale pourront siéger à la commission consultative des polices municipales (article 6 quater B). Il est précisé qu’elle traite de tous sujets concernant les polices municipales à l’exception de ceux liés au statut des agents.

Identification commune des gardes champêtres

La carte professionnelle, la tenue, la signalisation des véhicules de service et les types d’équipement des gardes champêtres feront l’objet d’une identification commune de nature à n’entraîner aucune confusion avec ceux utilisés par la police nationale et la gendarmerie nationale. Leurs caractéristiques et leurs normes techniques sont fixées par arrêté du ministre de l’intérieur. Le port de la carte professionnelle et de la tenue sont obligatoires pendant le service (article 6 quinquies).

Volet technologique

Utilisation des drones par les policiers municipaux

L’article 22 instaure un cadre juridique pour l’utilisation des drones. Il permet aux policiers municipaux d’expérimenter leur usage pour 5 ans et ce dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens ainsi que de leurs missions de police judiciaire. L’autorisation délivrée au maire sera subordonnée à l’existence d’une convention de coordination.

Caméras individuelles pour les gardes champêtres

L’article 21 bis prévoit la possibilité pour les gardes champêtres d’expérimenter pendant trois ans l’usage des caméras individuelles sur demande préalable du maire et autorisation du représentant de l’Etat dans le département.

Vidéosurveillance

L’article 20 encadre davantage les pratiques liées aux caméras de vidéosurveillance et étend aux policiers municipaux l’accès aux images pour les seuls besoins de leur mission, ainsi que les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données à caractère personnel auxquelles ils doivent satisfaire pour être habilités.

Par ailleurs, la mutualisation des dispositifs de vidéoprotection et des centres de supervision urbain (CSU) est facilitée (article 20 bis A). Elle sera désormais possible jusqu’au niveau départemental. De plus, le visionnage d’images de vidéoprotection de la voie publique par tout personnel agréé relevant du niveau communal, intercommunal ou issu d’un syndicat mixte sera autorisé.

Désormais, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance seront obligatoires dans les communes de plus de 5000 habitants. Ils devront être complétés par la présence d’un coordonnateur dans les communes de plus de 15 000 habitants.

31 mars 2021
La Gazette