Alors que le Conseil constitutionnel doit rendre cette semaine sa décision sur la triple saisine dont le texte fait l'objet, la loi Sécurité globale consacre une grande partie de ses dispositions à renforcer les polices municipales. Sur le terrain, pourtant, la loi est loin de susciter l’enthousiasme attendu...
Les policiers municipaux n’en ont pas fini avec la loi Sécurité globale. Alors qu’elle a été adoptée par le Parlement le 15 avril et qu’un recours a été déposé fin avril devant le conseil constitutionnel par 87 députés, ce texte, qui s’inspire pour partie du rapport Fauvergue-Thourot sur le continuum de sécurité de septembre 2018, suscite toujours le débat.
Sur le papier, la loi tend à élargir les compétences des policiers municipaux, et ainsi à conforter leur place de troisième force de sécurité. C’est l’objet de l’article 1er qui entérine une expérimentation en la matière. Concrètement, les policiers municipaux et les gardes champêtres pourront constater par procès-verbal de nouvelles infractions : la vente à la sauvette, la conduite sans permis, les rodéos motorisés, le défaut d’assurance, l’entrave volontaire à la circulation publique, l’occupation de halls d’immeubles et le squat d’un terrain, l’usage de stupéfiants, etc... Ils pourront également relever l’identité des auteurs de ces délits afin d’en dresser le procès-verbal […]
Vers un mouvement social à la rentrée ?
Dans un premier temps, seuls les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre employant au moins 15 agents de police municipale ou gardes champêtres, dont au moins un directeur de police municipal ou un chef de service pourront demander à participer à l’expérimentation pour une durée de 5 ans. « C’est pour nous le gros bémol, poursuit Manuel Herrero. Le volet de l’expérimentation ne portera que sur les PM de grosses collectivités. Or, la majorité des PM en France ont moins de cinq agents ! ».
Autre motif de mécontentement : la loi ne s’accompagne pas de mesures sociales, elles aussi attendues et réclamées de longue date. « C’est le point noir, accuse Manuel Herrero. Le gouvernement nous avait laissé entendre qu’ils reconnaîtraient dans le même temps la pénibilité de notre travail, qu’il nous accorderait en contrepartie des avancées sociales. Or, il n’y a rien ». Serge Haure est tout aussi furieux et n’hésite pas à parler de « mépris de la part du gouvernement » : « Qui dit nouvelles missions, dit reconnaissance financière et statutaire. Or, là, il n’y a rien ».
Encore plus mécontent, Fabien Golfier, du syndicat FA-FPT, tire, lui, à boulet rouge sur la loi Sécurité globale. Contrairement à ses collègues de la CFDT ou de l’Unsa, il ne voit aucune « avancée » dans la loi Sécurité globale : « L’Etat se décharge simplement de ses responsabilités sur les élus, et in fine sur les policiers municipaux ». Un exemple ? « Les occupations d’immeuble. Jusqu’à présent, nous n’étions pas compétents et l’élu pouvait donc se tourner vers l’Etat pour lutter contre ce phénomène. Demain, il n’aura plus de recours. Il devra gérer seul, avec sa police municipale. Et sans moyens ad hoc », poursuit le syndicaliste, qui estime que « le texte ne répond pas à la question de l’articulation force de sécurité nationale, police municipale et sécurité privée » : « Nous, ce qu’on voulait, c’était des outils supplémentaires, comme l’accès à certains fichiers, pour pouvoir mieux remplir les missions qui sont les nôtres, et non un transfert de missions, sans moyens supplémentaires ».
Tout aussi remonté, FO PM se dit lui aussi « très en colère » :
« La police municipale hérite de plus en plus de missions dont se décharge l’Etat. Nous, notre principale revendication, c’est le volet social. Or, sur ce plan, nous n’avons obtenu aucune avancée. Nous attendons donc l’ouverture d’un dialogue social à ce sujet. Après, et seulement après, nous pourrons discuter de l’élargissement des prérogatives », commente Christophe Léveillé, Secrétaire national FO PM.
Furieux, les syndicats promettent une « rentrée sociale agitée » si le gouvernement ne prend pas acte de leurs demandes.
17 mai 2021
Extrait de l’article paru dans La Gazette