Loi Sécurité globale : le volet technologique

Rédigé le 02/07/2021

Composée de 80 articles, la loi pour une sécurité globale préservant les libertés est parue au Journal officiel du 26 mai 2021.

 

Pour décrypter ce texte ambitieux intéressant les collectivités territoriales, la Gazette publie une série d'articles rédigés par Géraldine Bovi-Hosy, juriste et formatrice. Septième volet aujourd'hui consacré aux volet technologique :

 

Le volet « technologique » de la loi n°2021-646 du 25 mai 2021 a été fortement impacté par la censure du Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 20 mai 2021, il a retoqué les dispositions relatives aux caméras embarquées et une grande partie de celles permettant l’utilisation de caméras aéroportées. Il reste qu’en matière de caméras individuelles et de vidéoprotection, un certain nombre de dispositions nouvelles sont à connaître.

 

Vidéoprotection des commerces sur la voie publique et Police municipale

Les commerçants peuvent mettre en œuvre sur la voie publique un système de vidéoprotection aux fins d’assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, dans les lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol (dernier alinéa de l’article L. 251-2 du CSI).

 

Le visionnage des images ne pouvait être assuré que par des agents individuellement désignés et habilités des services de police et de gendarmerie nationales. Désormais, elles peuvent également être visionnées par des agents de police municipale ou des agents parisiens (agents de police municipale de la Ville de Paris, agents de la ville de Paris chargés d’un service de police ou contrôleurs). Ces agents devront être individuellement désignés et dûment habilités. Le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2021-817 DC du 20 mai 2021 a toutefois émis une réserve : l’accès aux images est limité aux seuls besoins de leur mission et aux systèmes de vidéoprotection mis en œuvre sur le territoire de la commune ou de l’intercommunalité sur lequel ils exercent cette mission. Ainsi, l’accès aux images pourrait se justifier pour des questions de sécurité ou de tranquillité publiques ou dans le cadre de l’application d’un arrêté relatif à la consommation d’alcool sur la voie publique ou de regroupement de personnes.

 

C’est l’autorisation préfectorale qui peut prescrire que ces agents sont destinataires des images et enregistrements (article L. 252-3 du CSI) et fixer les modalités de transmission des images et d’accès aux enregistrements ainsi que la durée de conservation des images (un mois à compter de cette transmission sauf procédure pénale). Un décret précisera les conditions dans lesquelles ces agents seront habilités à accéder aux enregistrements, ainsi que les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données à caractère personnel auxquelles ils doivent satisfaire pour être habilités. Il précisera les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux images.

 

On notera que l’accès à ces images semble ainsi réservé aux agents de police municipale. De plus, des formations sont exigées, alors que pour les opérateurs vidéo, ce n’est pas encore le cas (voir notre article).

 

 

Modalités de transfert des images des immeubles collectifs

En l’état actuel du droit (article L. 126-1-1 du code de la construction et de l’habitation), la transmission aux forces de sécurité des images de vidéoprotection des parties communes des immeubles collectifs d’habitation peut être autorisée pour certains motifs si elle est prévue par décision des copropriétaires (ou du gestionnaire) et encadrée dans ses modalités par une convention avec le préfet (et le cas échéant avec le maire si elle a pour objet de permettre la transmission des images aux services de la police municipale). L’article 43 de la loi « Sécurité Globale » prévoit la transmission lors de l’occupation empêchant l’accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté (et non plus « lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes »).

 

En cas d’urgence, la transmission des images peut être décidée par les services de la police ou de la gendarmerie nationales ou, le cas échéant, par les agents de la police municipale, à la suite d’une alerte déclenchée par le gestionnaire de l’immeuble. Des précisions seront certainement apportées dans les conventions pour éclairer sur les modalités d’alerte et de pris en main par les forces de l’ordre.

 

Les images susceptibles d’être transmises ne concernent ni l’entrée des habitations privées, ni la voie publique. Par ailleurs, cette transmission est strictement limitée au temps nécessaire à l’intervention des services.

 

EPCI et vidéoprotection

Deux échelles de mutualisation des équipements de vidéoprotection existent aujourd’hui. Celle-ci est possible à l’échelle d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance, ou, par convention, à l’échelle entre plusieurs communes qui disposent chacune d’un dispositif de vidéoprotection.

 

La loi pour une Sécurité globale préservant les libertés élargit ces possibilités de mutualisation en la permettant à :

 

  • un syndicat mixte composé exclusivement de communes et d’EPCI qui exercent la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance (article L. 5711-1 du CGCT)

  • un syndicat mixte composé exclusivement de communes, d’EPCI qui exercent la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance et d’un ou deux départements limitrophes (article L. 5721-8 du CGCT).

Une convention est conclue entre l’EPCI ou le syndicat mixte et l’Etat pour définir les modalités d’intervention des forces de sécurité de l’Etat.

 

Sans préjudice de la compétence des agents de police municipale, les agents des communes et les agents de ces EPCI et syndicats mixtes peuvent être chargés du visionnage des images, dès lors qu’il ne nécessite pas de leur part d’actes de police judiciaire (art. L.132-14-1 CSI). Ils doivent être agréés par le préfet. Pendant le visionnage des images prises sur le territoire d’une commune, ces agents sont placés sous l’autorité exclusive du maire de cette commune (pour les images du domaine public départemental, sous l’autorité exclusive du président du conseil départemental).

 

Ces nouvelles possibilités de mutualisation sont justifiées par les économies obtenues lors de l’investissement et dans le fonctionnement du dispositif.

 

Caméras individuelles des forces de l’ordre

En premier lieu, on rappellera que les gardes champêtres pourront également porter ces caméras à titre expérimental, sans toutefois bénéficier de ces nouvelles possibilités.

 

Pour les forces de l’ordre étatiques, comme pour les agents de police municipale, plusieurs nouvelles fonctionnalités risquent de modifier l’utilisation de tels équipements, si ces derniers permettent leur application…

 

On notera que les caméras doivent être fournies par le service. Hors de question de s’équiper personnellement (article L.241-2 du CSI).  En outre, « lorsque la sécurité des agents ou la sécurité des biens et des personnes est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention ». Si l’intérêt d’une telle transmission peut se justifier pour assurer la protection des agents, déployer de nouveaux moyens ou couvrir des lieux non équipés de caméras de vidéoprotection, le texte ne précise pas comment et par qui la décision de transmission sera prise : l’agent sera-t-il décisionnaire de cet accès aux images filmées par sa caméra ? Les matériels acquis par les collectivités le permettent-ils ? En outre, les services de police municipale dotés d’un CSU sont privilégiés, sauf à prévoir un système de déport sur des tablettes ou smartphones (pour les personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention).

 

Autre innovation : les images seront accessibles par les agents porteurs pour certains motifs. « Lorsque cette consultation est nécessaire pour faciliter la recherche d’auteurs d’infractions, la prévention d’atteintes imminentes à l’ordre public, le secours aux personnes ou l’établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d’interventions. Les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une intervention. »

 

Alors que l’accès aux images par l’agent était interdit jusqu’à présent, il devient possible pour des motifs limités mais intéressants d’un point de vue opérationnel. Ainsi, les agents pourront visionner les images d’une intervention afin de rédiger leurs procédures. Cela devrait limiter les écrits approximatifs et parfois jugés fallacieux. Par contre, il avait été envisagé de pouvoir visionner les images en cas de demande ou de contestation d’un contrevenant sur la voie publique lors de la verbalisation. Cela n’a pas été retenu.

 

Afin d’éviter la perte de données, les caméras devront être équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements et la traçabilité des consultations lors d’une intervention.

1er juillet 2021

source La Gazette