Annoncé par la loi sécurité globale du 25 mai 2021, le décret sur "l'engagement de servir" des policiers municipaux est paru le 31 décembre au Journal officiel.
Ce texte, qui a vocation à fidéliser les agents dans les communes ayant financé leurs formations, avait fait l'objet d'une vive opposition de la part des organisations syndicales lors de sa présentation à l'automne.
Décryptage avec Géraldine Bovi-Hosy pour La Gazette des Communes…
Alors que très peu de textes d’application ont été publiés suite à la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, il en est un dont les agents de police municipale se seraient bien passés… Le dernier jour de 2021, a été publié au Journal officiel le décret du 30 décembre 2021 pris pour l’application de l’article L.412-57 du code des communes relatif à l’engagement de servir des policiers municipaux. Par deux fois rejeté lors de son examen par le Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale, il a cependant été maintenu. Qu’en est-il en pratique pour les futurs agents de police municipale ?
Un principe décrié
Le nouvel article L.412-57 du code des communes avait fait l’objet de vifs échanges lors de son adoption. Supprimé puis réintégré, il prévoit la possibilité pour la commune ou l’EPCI prenant en charge la formation du fonctionnaire, de lui imposer un engagement de servir, pour une durée maximale de 3 ans à compter de la date de sa titularisation. Avec un tel engagement, si l’agent décide de partir de sa collectivité avant le terme fixé, il sera tenu de rembourser une somme correspondant au coût de sa formation. Il s’agit de faire face à des cas de stagiaires recrutés dans des collectivités prêtent à employer des agents non formés et à les voir s’absenter pour suivre leur formation, alors même qu’une fois titularisés, ils partiraient vers des collectivités plus attractives.
L’article 51 (alinéa 2) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 prochainement codifié à l’article L.512-25 du nouveau code général de la fonction publique prévoit déjà, en cas de mutation dans les trois ans du recrutement, la possibilité d’un versement par la collectivité d’accueil à la collectivité d’origine, d’une indemnité couvrant la rémunération perçue par l’agent pendant le temps de formation et le cas échéant, le coût de toute formation complémentaire suivie par l’agent au cours des trois années.
Dans le cas de l’article L.412-57 du code des communes, il s’agit d’imputer les frais à l’agent personnellement afin de le responsabiliser et de le fidéliser. Le principe est décrié, car il ne s’applique qu’aux agents de police municipale (les gardes champêtres par exemple ne sont pas concernés). Créant un précédent, il pourrait un jour être étendu à d’autres filières.
Les personnels concernés
En pratique, sont concernés par ce décret, les nouveaux fonctionnaires recrutés en qualité de stagiaires puis titularisés dans un cadre d’emplois de la police municipale. Il peut s’agir d’agents de police municipale, de chefs de service ou de directeurs de police municipale. Ils peuvent être recrutés comme stagiaires par une commune ou un établissement public de coopération intercommunale.
A priori, seuls les agents recrutés comme stagiaires après l’entrée en vigueur du texte sont concernés puisqu’il est nécessaire de préciser cette obligation avant le recrutement.
Engagement écrit
L’engagement de servir n’est pas une obligation. Mais si la commune ou l’EPCI souhaite l’imposer, le candidat stagiaire doit en être informé par écrit préalablement à sa nomination. A cette fin, il souscrit, au moment de sa nomination, un engagement écrit de servir la collectivité pendant une durée ne pouvant excéder trois ans. Ce délai, qui peut donc être réduit, démarre à compter de la titularisation de l’agent.
L’engagement écrit précise, outre sa durée, les conséquences de sa rupture, à savoir une obligation de remboursement par le fonctionnaire à la collectivité, d’une somme forfaitaire prenant en compte le coût de sa formation initiale d’application.
Le motif de la rupture est a priori indifférent : mutation dans une autre collectivité, retour dans le service d’origine suite à un détachement, démission….
Les montants forfaitaires
A la différence du mécanisme de l’article 51 de la loi de 1984, l’engagement de servir de l’article L.412-57 du code des communes impose des montants forfaitaires fixes (article 2 du décret) en fonction du grade de l’agent et avec des dégressivités imposées.
Ainsi, en cas de rupture de son engagement par l’agent, la collectivité exige le remboursement des montants forfaitaires suivants :
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10 877 € pour les agents de police municipale
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16 789 € pour les chefs de service de police municipale
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39 875 € pour les directeurs de police municipale.
On peut s’étonner de montants aussi précis, à l’euro près….Ils sont censés représenter le coût de la formation selon l’article L.412-57 et l’article 1er du décret. Cependant, le coût financier de la formation initiale des policiers municipaux est pris en charge sur la cotisation. Il faudrait plutôt évoquer les formations complémentaires (armement, stages moto…), les éventuels frais d’hébergement et de déplacement pendant les formations et les rémunérations des agents alors qu’ils ne sont pas en poste…..
Pourtant une somme forfaitaire a été imposée sur des bases non précisées. On rappellera également qu’une formation initiale allégée existe pour certains anciens gendarmes et policiers nationaux, mais ce régime dérogatoire n’a pas été pris en compte.
Dégressivité imposée
En outre, le montant du remboursement est fixé selon la date à laquelle intervient la rupture de l’engagement, par rapport à la date de titularisation, selon des taux imposés :
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1ère année : 100 %
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2ème année : 60 %
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3ème année : 30 %.
Sur ce point également, on aurait pu envisager de proratiser de manière plus précise comme sur la base du mois de la rupture.
A noter enfin, que si un remboursement est effectué par l’agent, il ne peut être fait application des dispositions à l’article 51 de la loi du 26 janvier 1984 (remboursement à la collectivité de départ par celle d’accueil).
Dispenses possibles à certaines conditions
Comme le prévoyait déjà l’article L.412-57 du code des communes, le maire ou le président de l’EPCI peut dispenser l’agent qui rompt son engagement, de tout ou partie du remboursement, pour des motifs impérieux notamment tirés de son état de santé ou de nécessités d’ordre familial, et ce, sur la base de justificatifs. L’agent doit être informé par écrit de la décision de dispense et une demande de remboursement doit être adressée à l’agent en cas de dispense partielle.
Si la dispense porte sur la totalité du remboursement, il est fait application des dispositions prévues au futur article L.512-25 du code général de la fonction publique (2nd alinéa de l’article 51 de la loi du 26 janvier 1984).
Cette nouvelle obligation qui limite les possibilités de mobilité des agents doit désormais être prise en compte par les futurs candidats au recrutement. De par sa rigidité et les conditions financières imposées, elle risque également de générer des contentieux comme sur l’appréciation du motif de dispense ou l’articulation entre remboursement par l’agent et par la collectivité d’accueil.
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