Très attendu par la profession, le décret qui encadre la création des brigades cynophiles de police municipale est paru au Journal officiel du 20 février.
Annoncé par la loi dite "sécurité globale" du 25 mai 2021, le texte régit les conditions de fonctionnement des brigades cynophiles existantes et futures.
Décryptage par notre juriste, Géraldine Bovi-Hosy :
La loi du 25 mai 2021 avait introduit un article L. 511-5-2 dans le code de la sécurité intérieure (CSI) qui encadre la création des brigades cynophiles de police municipale. Cet article renvoyait à un décret s’agissant des « conditions de création, de formation et d’emploi de cette brigade », ainsi que des « conditions de dressage, de propriété, de garde et de réforme des chiens ». C’est l’objet principal de ce décret du 18 février 2022. Ce texte va régir les conditions de fonctionnement des brigades canines existantes et futures. Il apporte des nouveaux éléments terminologiques qu’il faudra intégrer (brigade et équipe cynophiles et non canines, maître-chien entraîneur de police municipale …) et confie les formations au CNFPT, avec un régime dérogatoire pour certains services et des modalités d’application différées pour les règles de formation et d’hébergement.
Création d’une brigade cynophiles
On rappellera que selon l’article L.511-5-2 du CSI, une brigade cynophile de police municipale peut être créée sur décision du maire, après délibération du conseil municipal, ou, le cas échéant, sur décision conjointe du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et des maires des communes où les agents de police municipale sont affectés. On signalera que les dispositions n’intègrent pas les syndicats qui peuvent être créés pour gérer un service de police municipale.
Cette brigade cynophile interviendra pour l’accomplissement des missions mentionnées à l’article L. 511-1, sous réserve de l’existence d’une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité étatiques.
Selon le nouvel article R. 511-34-1 du CSI, une nouvelle terminologie s’impose :
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une brigade cynophile de police municipale est constituée au minimum d’une équipe cynophile de police municipale
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une équipe cynophile de police municipale est constituée au minimum d’un agent nommé en qualité de maître-chien de police municipale et d’un chien de patrouille de police municipale
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une brigade cynophile dotée d’au moins 5 chiens doit comprendre un maître-chien entraîneur de police municipale.
Selon la fiche d’impact du décret, en 2020, sur les 198 communes ou EPCI ayant constitué une brigade cynophile, la moitié disposait d’un seul chien (et au total, près de 80 % avaient un ou deux chiens).
Nomination des maîtres-chiens
Les maîtres-chiens sont ensuite nommés par le maire ou le président de l’EPCI à fiscalité propre (article R. 511-34-4). A cette fin, l’agent doit fournir un certificat médical datant de moins d’un mois, attestant que son état de santé physique et psychique n’est pas incompatible avec la conduite du chien de patrouille de police municipale.
Concernant l’application dans le temps de ces dispositions, rien n’est précisé dans le décret : pour les communes disposant déjà d’une telle brigade, faut-il reformaliser le fonctionnement par une délibération et nommer expressément les agents en tant que maîtres-chiens (avec production d’un certificat médical) ? Il est peut-être préférable de le faire au moins concernant les agents.
Propriété des chiens
C’est sur ce point que le décret risque de ne pas satisfaire la profession. Selon l’article R. 511-34-1 du CSI, les chiens de la brigade cynophile sont acquis par la collectivité qui en détient la propriété. Les chiens de patrouille de police municipale sont identifiés dans un registre mentionnant leur nom, leur race, leur sexe, leur date d’achat et leur date de réforme. La fiche d’impact du décret évoque un coût d’achat de l’animal de 1 380 € (on appréciera la précision…), 1 000 € pour le dressage et 100 € pour l’équipement de l’animal.
Cependant l’article 5 du décret du 18 février 2022 prévoit une mesure dérogatoire. Le chien de patrouille de police municipale d’une brigade cynophile constituée avant la date d’entrée en vigueur du décret et appartenant à un maître-chien de police municipale, demeure la propriété de celui-ci. Il est mis à disposition de la collectivité qui emploie l’agent sur la base d’une convention qui précise notamment les modalités d’indemnisation de l’agent.
L’absence de réglementation jusqu’à présent a permis la mise en place de fonctionnements particuliers qu’il faut intégrer. La fiche d’impact du décret ne donne pas de données sur la propriété des chiens en police municipale actuellement. Il semble que le chien personnel soit plus fréquent en police municipale, alors que pour les forces de l’ordre étatiques, la règle est celle du chien administratif.
Les collectivités disposant actuellement d’une brigade cynophile mettront en œuvre le principe du chien administratif petit à petit, au gré des réformes des chiens ou des départs des agents. La possibilité du chien personnel va disparaître puisque pour les futures brigades, celle-ci est impossible.
Il faudra également gérer les mutations des agents vers des communes créant nouvellement une brigade cynophile. Le maître-chien propriétaire de son animal cèdera ce dernier à sa nouvelle commune d’emploi afin qu’elle en détienne la propriété comme le prévoit l’article R. 511-34-1. Mais qu’en sera-t-il du chien si l’agent souhaite de nouveau muter ? Il est clair que cela complique le fonctionnement des services et les relations entre agents et collectivités.
Emploi de la brigade cynophiles
La brigade cynophile de police municipale est autorisée à intervenir pour les missions mentionnées à l’article L. 511-1 du CSI. Sont cités dans le décret : les tâches de prévention, de surveillance de l’accès à un bâtiment communal et dans les services publics de transport de voyageurs, de sécurisation des voies publiques, des voies privées ouvertes au public et des lieux publics ainsi que des manifestations sportives, récréatives ou culturelles. Elle peut également être engagée sur la capture de chiens errants ou dangereux.
La brigade cynophile peut intervenir en appui des personnels des forces de l’ordre étatiques, dans le respect de leurs compétences respectives, selon la convention de coordination (article R. 511-34-2).
Il semble, de ce fait, difficile de justifier une formation d’un chien de patrouille de police municipale à la recherche de stupéfiants ou d’explosifs comme cela est « toléré » jusqu’à présent du fait d’une absence de textes.
En outre, l’article R. 511-34-3 du CSI précise que l’emploi du chien en frappe muselée ou au mordant par le maître-chien obéit au principe de la légitime défense, dans les conditions prévues par l’article 122-5 du code pénal.
Sur ce point, la mise en place de formations harmonisées et dispensées par le CNFPT permettra un encadrement des pratiques.
Hébergement du chien de patrouille en chenil….
Les conditions sont fixées par l’article R. 511-34-5 du CSI. L’hébergement des chiens est assuré :
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soit par la commune ou l’EPCI à fiscalité propre ou, dans ce dernier cas, par une ou plusieurs communes dans lesquelles la brigade est mise à disposition
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soit par une commune limitrophe ou appartenant à une même agglomération au sein d’un même département ou à un même EPCI à fiscalité propre (sur la base d’une convention).
Cette dernière possibilité est justifiée par les cas de mutualisation des services de police municipale.
Des conditions matérielles sont précisées :
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lieu de l’hébergement placé sous surveillance électronique ou physique
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accès interdit à toute personne non autorisée
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accès de tout animal tiers soumis à autorisation préalable d’un maitre-chien
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chenil ne pouvant en aucun cas être affecté à l’usage, même temporaire, de fourrière animale (alors que c’est le cas actuellement pour certains chenils)
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conditions d’hébergement des chiens conformes aux réglementations en la matière (arrêté du 25 octobre 1982, annexe chapitre 2, RSD, code de l’environnement…).
La fiche d’impact du décret estime le coût de création du chenil à 34 800 €…sans plus de précision. Il est clair que cela peut être un frein à la création d’une brigade cynophile. En outre, comment gérer la prise en charge de l’animal lors des nuits et surtout des week-ends si le service ne fonctionne pas de manière continue ?
… ou par un maître-chien
Peut-être pour faire face à ce type de difficultés, il est prévu par dérogation, que le chien de patrouille peut être hébergé par un maître-chien de police municipale, dans les conditions prévues par une convention conclue entre lui et la collectivité, précisant notamment les modalités d’indemnisation de l’agent et de prise en charge des frais d’entretien, de soins, de nourriture et d’assurance de l’animal. Cette dérogation est possible pour les brigades déjà créées avant le décret comme pour celles qui le seront ultérieurement.
La fiche d’impact estime le coût annuel d’entretien et de soin de l’animal à 900 euros, sans plus de précision.
Sauf lorsqu’il est en service auprès d’un maître-chien, le chien est gardé soit au chenil du poste de police municipale, soit dans les lieux d’hébergement fixés dans la convention. On peut s’interroger dans le cas d’un hébergement par l’agent. Est-ce à dire que l’animal ne pourrait pas accompagner le maître-chien dans ses activités privées ? Encore un point à préciser.
Ces dispositions s’appliquent immédiatement mais, par dérogation, les collectivités employant une brigade cynophile avant la date d’entrée en vigueur du décret ont jusqu’au 1er janvier 2024 pour se mettre en conformité avec les dispositions de l’article R. 511-34-5. Celles qui disposent d’un chenil, doivent s’assurer qu’il répond aux conditions imposées. Pour les autres, il faut soit décider d’en créer un, soit fixer par convention, l’hébergement chez le maître-chien.
Formations de spécialité cynophile
Les conditions de formation sont assez proches de celles qui s’appliquent aux agents de police municipale armés (formation préalable, d’entrainement, moniteurs spécifiques, rôle du CNFPT…)
Seuls les agents de police municipale ayant suivi avec succès la formation préalable correspondant à la spécialité cynophile peuvent être nommés maîtres-chiens de police municipale (article R. 511-34-6).
Ils sont astreints à suivre périodiquement une formation d’entraînement à la spécialité cynophile. L’absence de suivi des séances d’entraînement réglementaire conduit au retrait de la qualité de maître-chien, sachant que cette qualité est « attribuée » par l’employeur.
Le dressage et l’entraînement des chiens peuvent se dérouler dans le même temps que la formation préalable et la formation d’entraînement des maîtres-chiens.
Les formations sont organisées par le CNFPT (dans les conditions prévues à l’article L. 511-6) et peuvent être assurées par des agents de police municipale, maîtres-chiens entraîneurs de police municipale, formés à cette fonction par le CNFPT avec le concours de fonctionnaires d’Etat. Un arrêté du ministre de l’intérieur devra fixer le contenu et la durée de ces formations.
A titre dérogatoire, la formation préalable n’est pas exigée pour les maitres-chiens de police municipale détenteurs d’une attestation de réussite à une formation correspondant à la spécialité cynophile délivrée avant le 1er janvier 2025. Par contre, rien avant la sortie de l’arrêté concernant les formations d’entrainement.
Comme cela a été le cas pour les formations « armement » mises en place en 2007, il est nécessaire de prévoir un délai de mise en œuvre, afin de former les maîtres-chiens entraîneurs de police municipale et d’organiser les formations à destination des agents. La validité d’une formation (agent ayant exercé avec un chien dans une autre administration ou en tant qu’agent de sécurité ou ayant suivi une formation…) a pour effet de ne pas bloquer les créations de brigades par les collectivités. Il reste que les services devront vérifier la détention d’une telle attestation par leurs maîtres-chiens (déjà en place ou futurs) alors que rien n’est indiqué, dans le décret, concernant les exigences de formation « extérieure ».
Réforme du chien de patrouille
La réforme des chiens de patrouille devenus inaptes est prononcée par le maire ou le président de l’EPCI, après avis d’un vétérinaire qu’il désigne ou sur le fondement d’une incapacité technique constatée par un maître-chien entraineur de police municipale (article R. 511-34-7).
Les chiens réformés acquis par la commune ou l’EPCI peuvent être cédés :
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à un maître-chien de police municipale,
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à un particulier
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à une association ou une fondation de protection des animaux.
C’est la collectivité qui détermine le montant de la cession amiable ou sa gratuité.
Le maître-chien de police municipale souhaitant acquérir l’animal réformé dispose d’un droit de préemption qu’il exerce par demande écrite.
On le constate, ces dispositions constituent un grand bouleversement. D’un point de vue positif, elles imposent une formation harmonisée, mais elles sont certainement très décevantes en ce qu’elles ont été adoptées sans grande concertation avec les personnels concernés et sans prise en compte des réalités de terrain des services de police municipale.
21 février 2022
La Gazette des Communes