Tout savoir de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure

Rédigé le 30/03/2022

La loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure telle qu'adoptée allait bien plus loin que le texte finalement promulgué, pour les agents de police municipale en matière d’usage de moyens vidéos, mais le Conseil constitutionnel a censuré ces mesures. Dans une analyse consacrée à ce texte, Géraldine Bovi-Hosy, formatrice, décrypte les dispositions restantes de cette loi et relatives aux collectivités.

Publiée au « Journal officiel » du 25 janvier, la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la ­sécurité intérieure est assez complexe à décrypter du fait de son manque d’homogénéité. Cette loi a pour origine les dispositions limitant l’irresponsabilité pénale en cas de trouble mental résultant d’une intoxication volontaire de stupéfiants ou d’alcool.

Elles ont été adoptées en réaction à la décision rendue par la Cour de cassation dans l’affaire « Sarah Halimi » au printemps 2021 (1). Mais une grande partie du texte vise également à lutter contre les attaques dont font l’objet les forces de ­sécurité intérieure, directement ou indirectement lors des interventions sur des rodéos motorisés ou des refus d’obtempérer. Enfin, un volet lié à la captation des images fait suite à la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 relative à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés qui en avait censuré plusieurs dispositions.

Renforcement de la répression des atteintes commises contre les forces de sécurité intérieure

Nouvelle infraction

L’article 10 de la loi crée une infraction spécifique tendant à sanctionner plus sévèrement les violences commises contre les membres des forces de sécurité intérieure, leurs proches et les agents qui concourent à leurs missions. Ces faits de violences étaient jusqu’à présent réprimés par le code pénal, la qualité de la victime constituant l’une des nombreuses circonstances aggravantes prévues par les textes.

Sont concernés les agents de police municipale (dès le projet de loi aux côtés des forces de l’ordre étatiques), les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires (ajout de la commission des lois de l’Assemblée nationale) et les gardes champêtres (ajout en séance publique à l’Assemblée nationale).

Il s’agit de désigner « spécifiquement les personnes qui sont en première ligne sur le terrain pour assurer le respect de l’ordre public et qui sont de ce fait particulièrement exposées à des violences » (2). Magistrats, jurés, avocats, officiers publics ou ministériels ou agents des réseaux de transport public restent visés par les autres dispositions du code pénal (3).

Ce nouveau délit autonome comporte ses propres circonstances aggravantes qui renvoient aux articles 222-12 et 222-13 du code pénal (pluralité d’auteurs, usage ou menace d’une arme, avec préméditation ou sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants…). En pratique, ces circonstances risquent d’être souvent retenues et d’entraîner des sanctions encourues assez élevées.

A titre d’illustration, le fait de commettre des violences envers un policier municipal, sans incapacité temporaire de travail (ITT), sera sanctionné de cinq ans d’emprisonnement (au lieu de trois) et de 75 000 euros d’amende (au lieu de 45 000). S’il en est découlé plus de huit jours d’ITT, les peines pourront aller jusqu’à dix ans et 150 000 euros avec une circonstance aggravante.

L’objectif du texte est dissuasif et répressif, les peines prononcées par les tribunaux étant souvent éloignées des peines maximales prévues par les textes. En augmentant le quantum, on espère une plus grande sévérité des magistrats. En outre, le droit pénal, par sa fonction expressive, traduit également les valeurs de la société.

L’entourage professionnel ou familial également concerné

Outre les conjoints, ascendants ou descendants en ligne directe ou toute autre personne vivant habituellement à leur domicile, le II de l’article 222-14-5 du code pénal concerne aussi les personnes affectées dans les services des forces de sécurité, comme un service de police municipale, si leur qualité est apparente ou connue de l’auteur des ­violences et que les violences sont commises dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions (personnel administratif d’accueil, stagiaire sécurité…).

Sanctions aggravées pour le refus d’obtempérer

La multiplication des incidents lors des contrôles routiers a poussé le législateur à travailler sur les volets pénal et administratif des sanctions lors des refus d’obtempérer à une sommation de s’arrêter, émanant d’un agent chargé de constater les infractions au code de la route.

Ainsi, en cas de refus d’obtempérer, les peines sont doublées (deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende) et portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende en présence de circonstances exposant directement les forces de l’ordre à un risque de mort ou de blessures graves.

En ce qui concerne les mesures administratives, la rétention immédiate par les officiers et agents de police judiciaire, à titre conservatoire, du permis de conduire est désormais prévue par l’article L.224-1 du code de la route.

S’il n’est pas l’auteur du refus d’obtempérer, le propriétaire du véhicule, de bonne foi, voit sa situation mieux protégée dans le cadre de la sanction complémentaire de confiscation obligatoire du véhicule dont l’auteur s’est servi pour commettre l’infraction.

En outre, en cas d’infraction de rodéo motorisé prévue à l’article L.236-1 du code de la route, la destruction du véhicule mis en fourrière sera possible au bout de sept jours au lieu de quinze (4).

Déception concernant les moyens vidéos pour les policiers municipaux

Durée de conservation des images de caméras individuelles

Dans le titre III consacré aux dispositions relatives à la captation d’images, la seule mesure intéressant, au final, les agents de police municipale est la réduction de six mois à un mois de la durée de conservation des images des caméras individuelles (5). Cette durée s’applique aussi aux forces de l’ordre étatiques mais pas aux sapeurs-pompiers (six mois) et à l’expérimentation prévue pour les gardes champêtres (six mois) (6). En revanche, pas de drones, ni de caméras embarquées pour les policiers municipaux, le Conseil constitutionnel ayant censuré les dispositions les concernant (7).

Régime précisé pour les caméras aéroportées des forces de l’ordre étatiques

Les forces de l’ordre peuvent recourir à des captations d’images depuis des aéronefs (avions, drones…) à des fins de ­sécurité civile, de police administrative ou de police judiciaire.

Pour concilier les objectifs de prévention des atteintes à l’ordre public, de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée, l’article L.242-5 du code de la sécurité intérieure comporte de nouvelles garanties.

Ces garanties reposent sur un mécanisme d’autorisation préalable délivrée par l’autorité préfectorale, comprenant désormais une durée maximale de trois mois et ­portant sur un périmètre géographique réduit. Les caméras devront être employées de façon à ne pas viser l’intérieur d’un domicile ou, de façon spécifique, ses entrées (8).

En cas d’urgence, l’instauration des traitements est possible après information du préfet, qui peut y mettre fin à tout moment. Un double mécanisme de contingentement des caméras aéroportées est mis en place : chaque autorisation préfectorale fixe le nombre maximal de caméras pouvant procéder simultanément aux enregistrements et un arrêté du ministre de l’Intérieur fixe un contingentement national décliné par département.

Des caméras embarquées pour les sapeurs-pompiers

Pour ce qui est des caméras embarquées dans les véhicules, outre les forces de l’ordre étatiques et les douaniers, les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires pourront en faire usage, selon l’article ­L.243-1 du code de la sécurité intérieure, « aux seules fins d’assurer la sécurité de leurs ­interventions ».

Les véhicules équipés devront arborer une signalétique particulière. Les images pourront être consultées en temps réel lorsque la sécurité des agents est menacée et devront être effacées au bout de sept jours (sauf enquête) (9). Un décret doit préciser les modalités pratiques.

Montée en compétences des gardes particuliers

L’article 31 de la loi du 24 janvier 2022 ajoute à l’article L.130-4 du code de la route, une nouvelle catégorie d’agents verbalisateurs pour les contraventions en matière de ­sécurité et de circulation routière. Désormais, les gardes particuliers assermentés, commissionnés par les propriétaires et agréés par le représentant de l’État dans le département, seront compétents pour dresser un procès-verbal sur la propriété qu’ils sont chargés de surveiller.

Il s’agit de gardes-chasse, gardes-pêche ou gardes forestiers. Un décret devra fixer la liste des infractions qui pourraient concerner, outre le stationnement, le non-respect de la signalisation routière ou l’utilisation des véhicules motorisés dans les espaces naturels. 

RÉFÉRENCES
·       Note 01Cour de cass, crim., 14 avril 2021, pourvoi n° 20-80135Retour au texte
·       Note 02Rapport fait par la commission des lois du Sénat, 13 octobre 2021Retour au texte
·       Note 03Code pénal, art. 222-12 ou 222-13Retour au texte
·       Note 04Code de la route, art. L.325-7Retour au texte
·       Note 05Article 14 de la loiRetour au texte
·       Note 06Article 46 de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertésRetour au texte
·       Note 07Conseil constitutionnel, 20 janvier 2022, DC n° 2021-834Retour au texte
·       Note 08Code de la sécurité intérieure, art. L.242-5 (III). Retour au texte
·       Note 09Article 17 de la loi, créant les articles L.243-1 et s. du code de la sécurité intérieure. Retour au texte
30 mars 2022
La Gazette des Communes