La Commune de Paris et l'évolution sociale de la pompe funèbre

Rédigé le 27 mai 2021

Le double siège de Paris a fait voler en éclats bien des verrous concernant l’organisation des obsèques à Paris. Il a bouleversé tous les règlements administratifs, sanitaires et légaux en vigueur depuis le début du xixesiècle : les cimetières se sont retrouvés au cœur de la ville ; les fosses saturées des anciens champs des morts ont été rouvertes ; les cortèges funéraires ont traversé Paris presque sans interruption jusqu’en janvier 1871, rendant la mort omniprésente dans la capitale. Dans cette situation exceptionnelle, les acteurs jusque-là traditionnels de la mort ont rempli leur fonction. Léon Vafflard, l’entrepreneur des pompes funèbres de Paris est celui qui oblige la ville à sortir du provisoire qui se prolonge longtemps après la fin des sièges. Mise en demeure de faire des choix, la ville est amenée à prendre plusieurs décisions majeures qu’il est légitime de considérer comme des conséquences de la rupture de 1870-1871 : d’abord, en 1874, la fosse commune disparaît ; puis, en 1886, deux grands cimetières extra-muros sont ouverts aux inhumations des Parisiens à Bagneux et à Pantin ; en 1889 est inauguré le premier crématorium français, au sein du symbolique cimetière du Père-Lachaise ; enfin, après des débats de près de vingt-cinq ans, les Pompes funèbres de Paris sont municipalisées en 1904.

Toutes ces décisions montrent que les années 1870-1871 peuvent être considérées comme un carrefour pour l’activité de pompes funèbres à Paris. Des voies, longtemps empruntées, se ferment : celle de la fosse commune, de la mort régie par une entreprise privée sous adjudication, de l’arrangement cimétérial. D’autres chemins qu’on voyait s’annoncer se dessinent plus nettement : ceux d’une culture de la mort plus individualisée, plus respectueuse de la dignité des défunts et des vœux des familles. Les désirs d’honneurs et de tombes militaires individualisées, de nécropoles ou de carrés militaires dans les cimetières communaux, exprimés dès 1870, furent entendus dès 1914 par les Républicains qui s’appuyèrent sur le « culte des morts » pour stimuler et renforcer le culte national de la patrie.

Source : Stéphanie Sauget- Revue historique