Gare aux informations diffusées sur les réseaux sociaux pendant un congé maladie


Des informations diffusées sur les réseaux sociaux ont permis d’établir qu'une agente assurait une tournée artistique au Brésil alors qu’elle était censée être en congé maladie. Tel est le sens d'un arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du 23 septembre.

D’abord recrutée comme contractuelle puis titularisée dans le cadre d’emplois des assistants territoriaux d’enseignement artistique, une professeure de piano avait demandé à son employeur, une communauté d’agglomération, de reporter ses cours afin de pouvoir assurer une tournée de concerts au Brésil.

Après plusieurs échanges avec le directeur du conservatoire où elle était affectée, l’intéressée a demandé une disponibilité pour convenances personnelles avant d’annuler sa demande et transmettre à son employeur un arrêt maladie couvrant la période où elle devait justement effectuer sa tournée.

Mais estimant que cet arrêt de travail était falsifié et que l’agente était partie en tournée durant cette période, son employeur a engagé des poursuites disciplinaires à son encontre et prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée d’un an. L’intéressée a  alors contesté cette sanction, mais la Cour administrative d’appel de Versailles, comme les juges de première instance, a confirmé la légalité de la sanction prise à son encontre.

Faux congé maladie

Alors que l’agente avait demandé le report de ses cours au conservatoire pour assurer une tournée au Brésil avec un autre artiste, elle a finalement transmis, pour la même période, un congé maladie.

Mais son employeur n’a pas été dupe ! En effet, les deux artistes ont mis en ligne sur leur site Facebook, avant de les supprimer, des messages et des photographies retraçant le déroulement de cette tournée, et notamment des photographies du duo prises lors des concerts donnés et évoquant la présence de l’agente. Des photographies du duo donnant un concert à Bélem ont également été mises en ligne par des tiers.

Pour se justifier, l’intéressée soutenait qu’elle avait été remplacée au dernier moment par une autre pianiste pour cette tournée, ce que son acolyte aurait dissimulé à ses admirateurs afin de ne pas les décevoir. Mais cette explication n’a pas convaincu les juges, faute d’élément probant. La communauté d’agglomération a d’ailleurs relevé que l’identité de la soi-disant remplaçante de l’agent n’avait pas été révélée…

D’autre part, les juges ont pu constater qu’une telle substitution était invraisemblable car des photographies du duo établissaient le contraire. La requérante s’appuie par ailleurs sur le certificat médical ainsi que quelques dépenses retracées sur son compte bancaire et des témoignages de membres de sa famille, mais ces éléments sont peu nombreux et les témoignages, approximatifs et peu circonstanciés, se contredisent partiellement s’agissant du lieu de séjour de l’agente : la sœur jumelle de l’intéressée a attesté qu’elle résidait pendant cet arrêt de travail à son propre domicile, alors que sa nièce et son beau-frère ont indiqué lui avoir rendu visite au domicile de la requérante.

Vraie tournée au Brésil

En l’espèce, ce sont les informations mises en ligne par l’agente elle-même et par des tiers qui ont permis aux juges de la Cour administrative d’appel de Versailles de considérer que l’agente avait bien effectué cette tournée au Brésil durant la période pour laquelle elle avait présenté un arrêt pour congés maladie.

Ainsi, au regard notamment des informations multiples et concordantes mises en ligne sur les réseaux sociaux, les juges ont considéré que l’agente avait bien assuré la tournée du duo musical auquel elle appartient, sans y avoir été autorisée préalablement, et à une période pour laquelle elle a produit un arrêt de travail.

Comme son employeur, les juges ont estimé que ce comportement était constitutif d’une faute justifiant une sanction disciplinaire. Son comportement était d’autant plus grave que les parents d’élèves dont les cours ont été annulés ont pu avoir accès aux informations mises en ligne et donc réaliser que l’agente était partie en tournée au lieu d’assurer ses cours !

L’exclusion d’un an, proportionnée à la faute commise

Pour les juges, l’exclusion temporaire de l’agente pour une durée de douze mois n’apparaît pas disproportionnée au regard des faits reprochés. En effet, l’intéressée a produit un arrêt de travail obtenu dans des conditions troubles pour justifier son absence à une période où sa présence au conservatoire était souhaitée par son employeur. Elle ne pouvait d’ailleurs l’ignorer, au regard des échanges intervenus avec le directeur du conservatoire. Ainsi, la demande d’annulation de la sanction a été rejetée.

Cette décision rappelle que la diffusion sur les réseaux sociaux d’informations ou de photographies même d’événements privés n’est pas sans conséquence.

RÉFÉRENCES     CAA de Versailles, 23 septembre 2022, req. n°20VE01855
18 octobre 2022
La Gazette des Communes