Les interventions des sapeurs-pompiers mieux planifiées grâce à un dispositif prédictif

Rédigé le 09/09/2021

Une application qui s’appuie sur l’intelligence artificielle, PrédictOps, permet aux agents de prévoir l’activité du Sdis.

 

[Doubs 539 500 hab.] Heure par heure, le chef de salle opérationnelle suit les prévisions de la journée devant son ordinateur. L’activité devrait être intense de 13 heures à 16 heures : le service départemental d’incendie et de secours (Sdis) recevra, en trois heures, 538 appels. Entre 16 heures et 19 heures, la tension devrait retomber, avec 180 appels prévus. Trente-sept interventions auront lieu dans les trois heures. Tout à fait gérable. Il ne sera pas nécessaire d’appeler des renforts.

 

Une fiabilité à 96 %

Bienvenue au Sdis du Doubs qui, depuis février, utilise au quotidien PrédictOps, un outil d’intelligence artificielle développé par le laboratoire de recherche publique Femto-st (1). Le dispositif a changé la vie du Sdis. « On est à 96 % de fiabilité pour les prédictions du volume global d’activité », révèle le commandant Guillaume Royer-Fey, qui pilote PrédictOps au Sdis. Pour atteindre ce résultat, Femto-st a travaillé sur les données collectées par le Sdis depuis 2007, soit près de 500 000 interventions au total. Toutes ont été croisées avec les 1 200 variables retenues par les chercheurs parce qu’elles ont une influence sur les demandes d’intervention : la température, l’éphéméride, le niveau de pollution de l’air, le trafic routier…

 

Si, sur le niveau de sollicitation global du service, les données sont fiables à 96 %, « l’enjeu, maintenant, est d’affiner l’outil pour améliorer la prise en charge des urgences vitales », indique le commandant.

 

Les prévisions sont aujourd’hui fiables à l’échelle des agglomérations de Besançon et de Montbéliard. Cependant, dans les zones rurales où la masse des données est insuffisante, elles ne le sont pas. « Cela reste de l’intelligence artificielle, ce n’est pas de la voyance », souligne le commandant.

 

Feux de forêt à l’étude

Femto-st n’a cependant pas jeté l’éponge : le laboratoire a conclu un nouveau partenariat pour améliorer sa solution en intégrant, sur les urgences vitales, les données du Sdis des Yvelines. L’objectif, à terme : « Permettre aux secours de prépositionner les ambulances là où on prévoit des malaises en cascade », indique Christophe Guyeux, chercheur à Femto-st. Il envisage, par ailleurs, de collaborer avec un Sdis soumis aux feux de forêt pour l’aider à mieux les gérer.

 

Qualité de service mesurée

PrédictOps n’est pas le seul outil développé par Femto-st pour le Sdis du Doubs. Le laboratoire a créé un outil de mesure de la qualité du service. « En 2018, le Sdis était arrivé à un pic d’activité, avec un nombre d’interventions très important » (41 000 sur l’année) auxquelles il avait parfois des difficultés à faire face, relate le commandant Guillaume Royer-Fey. « Lizmap ruptures » permet désormais de savoir précisément, pour chaque intervention, pourquoi les secours sont arrivés en retard – parce qu’il n’y avait pas assez d’ambulances par exemple.

 

Une autre manière de prévenir les difficultés, en orientant les prises de décision des élus chargés de préparer le prochain schéma départemental d’analyse et de couverture des risques.

 

 

FOCUS

Nous pouvons ajouter des variables en continu »

Christophe Guyeux, professeur à l’université de Franche-Comté, chercheur à Femto-st

 

Les pompiers suivent heure par heure l’écart entre le prédit et le réel. C’est ce qui permet d’améliorer en continu le système prédictif. On s’est ainsi aperçu que l’indicateur météo ne suffisait pas. Nous y avons ajouté celui de la hauteur d’eau, car ce n’est pas parce qu’il pleut beaucoup qu’il y a risque d’inondation. L’outil n’est pas figé. Nous pouvons ajouter des variables en continu. Une source à laquelle nous n’avions pas pensé, ce sont les recherches des internautes, qui sont pour nous des données plus intéressantes que celles fournies une fois par semaine par le dispositif Sentinelle : elles nous permettent de voir tout de suite, par exemple, qu’il y a un épisode d’allergies. »

 

La Gazette des Communes

du 1er septembre 2021