La « grande Sécu », une option pour refonder le système de protection sociale
Rédigé le 10/01/2022
Ballon d’essai avant la présidentielle ? La réforme de la Sécurité sociale vers une « grande sécu », dévoilée par la presse mi-novembre, a généré un tollé de protestations notamment de la part des complémentaires santé. De quoi enterrer le débat ?
Le système de protection sociale français repose sur un modèle hybride conjuguant solidarité nationale, avec la Sécurité sociale obligatoire et un régime de complémentaires hérité du système mutualiste d’avant-guerre. Un système que certains jugent complexe, et surtout inégalitaire. La crise sanitaire a pu en révéler les écueils, avec des restes à charge élevés pour les personnes sans complémentaire santé passées en réanimation. Par ailleurs, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a calculé que l’accès à ces complémentaires est plus difficile pour les retraités, de l’ordre de 7 % des revenus.
Un système à rénover
À l’occasion du 76e anniversaire de la Sécurité sociale, en octobre dernier, Olivier Véran évoquait une réforme du système, autour d’une articulation « efficiente » entre la part obligatoire et les complémentaires. Le ministre avait demandé un rapport au HCAAM pour explorer divers scénarios d’une telle refonte, révélés dans la presse avant les échanges avec les acteurs.
Le premier scénario établit une couverture de presque toutes les dépenses de santé par la Sécurité sociale – consultations auprès des professionnels de santé libéraux, soins hospitaliers ou médicaments – entraînant un coût de 18,8 milliards d’euros, ou 17,1 milliards si les franchises étaient maintenues. En compensation, le Haut conseil envisageait un accroissement des cotisations sociales patronales ou de la contribution sociale généralisée (CSG).
Les autres scénarios envisagent la coexistence de l’assurance-maladie et des complémentaires, sans grand changement, voire une amélioration pour les retraites modestes ; une prise en charge plus importante des complémentaires et l’obligation de souscrire une complémentaire, pour tous, avec un encadrement des tarifs.
Tollé
Le premier scénario a mis vent debout les mutuelles et assurances, les médecins libéraux ainsi que certains hommes politiques et syndicats. Ainsi, Xavier Bertrand, alors candidat à la primaire des Républicains, a fustigé ce projet consistant selon lui à « transférer la prise en charge de 30 milliards de dépenses de soins des complémentaires santé à l’Assurance maladie » et à creuser la dette publique.
Sans surprise, la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) a tiré la sonnette d’alarme, évoquant la disparation de près de 100 000 emplois et le risque de voir un système de santé à deux vitesses, à l’anglaise. Les syndicats, impliqués dans la gouvernance des organismes complémentaires, se sont également étonnés, de la manœuvre et de son timing.
Ainsi, « FO considère légitime de s’interroger quand l’idée de la « Grande Sécu » est lancée, sans information approfondie et consultation des interlocuteurs sociaux qui, depuis les origines, sont acteurs de la protection sociale collective en matière de santé, et que dans le même moment le Gouvernement a lancé une mission destinée à généraliser les fusions de caisses sur l’ensemble du territoire, à unifier les conventions collectives des personnels, et à intégrer le monde agricole dans le régime général, soit une intégration totale sous l’égide de l’État avec le risque d’un financement fiscalisé. »
Ses possibles effets effraient la CFE-CGC, qui notait dans un communiqué : « à l’évidence ces travaux conduits essentiellement sous l’angle économique […] augurent d’une « grande sécu » au rabais et davantage fragilisée à l’image du modèle anglo-saxon ouvert à tous mais de piètre qualité. Elle met à mal les avantages de la synergie entre AMO et AMC qui a fait ses preuves et qui permet des économies d’échelle au travers la mutualisation. »
100 % pour
En revanche, le Manifeste pour une Sécurité sociale intégrale appelle à ne pas enterrer cette réforme, dans une tribune publiée dans le Monde, le 30 novembre. Dénonçant les frais de gestion excessifs des complémentaires, estimés à 25 % vs 5 % pour la Sécu, le collectif écrit : « Il est plus qu’urgent de passer à une vraie grande Sécurité sociale qui prend en charge à 100 % et de façon obligatoire un large périmètre de soins et de prévention. La création d’une « grande Sécu » mérite un débat public, mobilisons-nous pour qu’il ait lieu ! La « Sécu » doit redevenir un objet politique, et non l’affaire de gestionnaires et de comptables myopes, guidés par les pressions de l’industrie de l’assurance. »
Le rapport du HCAAM doit être rendu public mi-janvier et pourrait nourrir le débat à l’occasion de l’élection présidentielle. De toute évidence, un projet de « 100 % Sécu » figure ait dans le programme de la France insoumise, depuis 2017.
7 janvier 2022
Source lagazettedescommes.com