La poursuite des politiques d’austérité...

06 octobre 2025

Face à l’absence de réponses du Premier ministre, Sébastien Lecornu, aux revendications de l’intersyndicale demandant des mesures de justice sociale et fiscale, une nouvelle mobilisation interprofessionnelle a eu lieu le 2 octobre, après celle du 18 septembre.

FO, par ses revendications, a réaffirmé son opposition ferme à la poursuite des politiques d’austérité.

Le Premier ministre annonce de son côté déjà des économies sur les dépenses publiques en 2026, il balaie l’idée même d’une suspension de la réforme des retraites de 2023 -tandis que FO demande toujours son abrogation -, il envisage une nouvelle réforme de l’assurance chômage, il évacue tout retour d’un impôt sur la fortune et semble chercher à minimiser la possibilité de taxer les hauts patrimoines. Il semble encore prévoir une baisse d’impôt pour les entreprises.

En l’absence toujours d’un nouveau gouvernement et sans informations précises sur les projets budgétaires pour 2026, un grand flou, teinté d’inquiétudes, règne encore sur les intentions du nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, lequel a annoncé dans la soirée du 3 octobre qu’il prononcerait son discours de politique générale le mardi 7 octobre. Ce 3 octobre, le gouvernement, (de l’ex-Premier ministre, François Bayrou), était démissionnaire depuis 24 jours. Côté examen des textes budgétaire, la question du calendrier plus que serré interrogeait. Le projet de loi de finances (PLF) et le projet pour la sécurité sociale, (PLFSS), après leur passage devant le Conseil d’État et le Haut conseil des finances publiques, sont censés être présentés en Conseil des ministres d’ici le mardi 7 octobre, puis être déposés au Parlement pour des débats appelés à débuter à l’Assemblée le 14 octobre.

L’heure est donc toujours aux interrogations. Ce 3 octobre, dans la matinée, le Premier ministre a assuré dans une prise de parole surprise sur le perron de Matignon qu’il n’utiliserait pas la procédure du 49.3 pour faire passer les textes budgétaires. Il appelle chaque député à prendre ses responsabilités dans les débats qui vont s’ouvrir.

Sébastien Lecornu qui a indiqué dès sa nomination le 9 septembre vouloir, quant à la manière de gouverner, des ruptures sur la forme, la méthode et sur le fond, n’a toutefois pas su convaincre pour l’instant les huit organisations syndicales, dont FO, reçues le 24 septembre. La délégation FO était composée des secrétaires confédéraux Patricia Drevon et Pascal Lagrue. Réunie (deux fois dans la journée) à l’issue de cet entretien avec le Premier ministre, l’intersyndicale a déploré dans un communiqué, une occasion manquée et constaté : Aucune réponse claire n’a été apportée à la colère des salariés, agents, demandeurs d’emploi, jeunes, retraités. Les huit organisations ont donc décidé d’appeler à une nouvelle journée de mobilisation, par des grèves et manifestations, le 2 octobre.

Une journée qu’il faut réussir. Il faut mettre le paquet appuyait le secrétaire général de FO, Frédéric Souillot, le 24 septembre. Le matin, FO avait proposé à l’intersyndicale d’appeler à la grève sur plusieurs jours consécutifs (les 1er, 2 et 3 octobre), ce qui a été refusé par les autres organisations syndicales, a rappelé la résolution générale du CCN, adoptée à une quasi-unanimité le 25 septembre. Et celle-ci de préciser encore que FO appelait pour sa part à la grève et sa reconduction, à partir du 2 octobre. L’appel intersyndical à une nouvelle mobilisation intervenait donc quelques jours après la journée interprofessionnelle massivement suivie du 18 septembre et l’ ultimatum lancé au Premier ministre.

Quelle rupture ?

L’intersyndicale lui avait en effet demandé de présenter d’ici au 24 septembre de premières pistes de réponses aux revendications sociales. Cela impliquait que ces réponses traduisent une rupture avec les mesures d’austérité présentées en juillet par le projet Bayrou. Un projet, visant un effort de près de 44 milliards d’euros sur les finances publique, principalement par une baisse des dépenses articulée par des mesures menaçant d’impacter gravement les travailleurs et assurés sociaux (en termes de santé, pensions, prestations sociales, assurance chômage, salaires du public, …).

Des mesures qui ont fait l’unanimité des organisations syndicales contre elles résumait le 24 septembre le secrétaire général de FO, Frédéric Souillot, rappelant le préavis de grève -courant du 1er septembre au 30 novembre- déposé par la confédération.

Et Frédéric Souillot -qui a été reçu le 22 septembre par Sébastien Lecornu auquel il a remis le cahier de revendications de FO - d’indiquer : La seule chose que l’on attend, c’est une vraie rupture, sur la politique de l’offre, sur la verticalité des mesures décidées. Le problème des finances publiques c’est d’abord le manque de recettes. Il est temps d’ouvrir la discussion sur la progressivité de la fiscalité, la contribution des grandes entreprises, des hauts revenus ou des patrimoines ou la lutte contre l’optimisation fiscale ! martelait le secrétaire général.

Sur qui pèseraient les économies ?

Le Premier ministre, qui met en avant sa volonté de dialogue social, a fait savoir le 24 septembre au soir par un communiqué qu’il allait demander aux organisations syndicales leur contribution sur cinq thèmes (financement de la protection sociale, réindustrialisation et souveraineté économique, conditions de travail et qualité de vie au travail, renforcement du paritarisme, modernisation du marché du travail). Deux jours plus tard, il indiquait sur le réseau social X (ex-twitter), budget 2026 : je repars d’une page blanche. L’argent public est précieux comme jamais, il faudra faire des économies. Est ainsi annoncé pour l’instant le projet d’une baisse des dépenses de l’État à hauteur de six milliards d’euros en 2026 (le projet Bayrou prévoyait un effort de 4,8 milliards d’euros sur les dépenses de l’État, 5,2 milliards pour ses opérateurs). Annoncé aussi une prochaine réforme de l’État et un nouvel acte de décentralisation venant modifier l’organisation territoriale. Sans détails, est annoncé aussi que les moyens consacrés aux retraites augmenteront de six milliards d’euros, et de cinq pour la santé. L’application de la revalorisation des pensions de base au 1er janvier et avec un coup de pouce ? Et côté santé, une vraie hausse de l’Ondam (fixant la trajectoire d’évolution des dépenses) à la hauteur des besoins ? Le dégel des crédits ? Un gel de 1,7 milliard d’euros avait été annoncé en juin concernant la Santé, portant à dix milliards d’euros le montant total de gel de crédits (sphère de l’État, protection sociale, collectivités territoriales) sur 2025.

Une nouvelle baisse d’impôt pour les entreprises ?

Le Premier ministre qui réaffirme l’objectif d’un déficit public ramené à 3% en 2029 (4,7% en 2026 quand François Bayrou visait 4,6%) se prononce contre une suspension de la réforme des retraites de 2023. FO en demande toujours l’abrogation.

Sébastien Lecornu se prononce aussi contre un retour de l’ISF et contre aussi la création d’une taxe sur les hauts patrimoines (sur le mode de la proposition de l’économiste Gabriel Zucman consistant en une taxation annuelle de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros). Tandis que le Medef prévoit de tenir un meeting le 13 octobre visant à s’opposer à toute hausse de la fiscalité des entreprises, laconique, Sébastien Lecornu informe seulement pour l’instant que certains impôts augmenteront, mais d’autres diminueront.

Le texte du projet de loi de finances pour 2026 porterait une baisse, à hauteur de 1,3 milliard d’euros, des impôts de production via la diminution de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, indiquait le journal Les Echos le 3 octobre. La disparition de cet impôt (dont le produit est affecté aux collectivités locales) initiée dès 2021 et prévue primitivement en 2024 avait été retardée. Sa suppression était envisagée ces derniers mois en 2027. A noter que le produit de la CVAE a baissé de 8,2 milliards d’euros entre 2016 et 2023. Plus largement, en 2020, dans le cadre du Plan de Relance, et au nom de la relocalisation de l’industrie, le gouvernement avait annoncé une baisse des impôts de production sur deux ans, à hauteur de 20 milliards d’euros.

La suppression de la CVAE, en améliorant la compétitivité des entreprises, contribuera à soutenir la croissance, ce qui se traduira par des recettes fiscales et sociales supplémentaires mais celles-ci ne seront pas suffisantes pour compenser le coût de cette mesure notait en 2022 le site associatif Fipeco, spécialiste des finances publiques et présidé par François Ecalle, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes et entre autres ancien membre du Haut conseil des finances publiques. Et le site de souligner encore : La suppression définitive de la CVAE coûtera environ 8 Md€ par an aux administrations publiques à partir de 2024, mais la situation et les perspectives des finances publiques devraient conduire à reporter cette mesure, comme toute nouvelle baisse d’impôt, bien au-delà de 2024.

Alors que les finances publiques sont en mal de recettes, fiscales et sociales, les ultra-riches et les grandes entreprises seraient-ils encore les grands gagnants des textes budgétaires 2026 ?

Valérie Forgeront 
pour l’InFO militante