Alors que le président de la République et le Premier ministre ont exprimé, respectivement les 16 et 30 janvier, leur projet de développer la place du « mérite » dans la rémunération des fonctionnaires, ce qui menace de prendre forme dans un projet de loi qui serait présenté au second semestre, FO-Fonction publique s’oppose à toute attaque du statut.
Elle revendique une mesure générale de revalorisation indiciaire, pour rattraper la perte de pouvoir d’achat et souligne l’urgence d’un travail d’amélioration des grilles.
Exigeant de meilleurs traitements indiciaires, les huit organisations représentatives dans le public appellent à une mobilisation le 19 mars.
Tenir compte toujours de l’ancienneté pour l’avancement et la rémunération mais… beaucoup plus du « mérite », en l’élevant aussi au rang de critère principalannonçait le 16 janvier le président de la République à destination des 5,6 millions d’agents publics. La déclaration a-t-elle valeur de confirmation par Emmanuel Macron de l’axe, que l’exécutif entend donner à la « loi Fonction publique », projet mené depuis l’an dernier par l’ex-ministre Stanislas Guérini mais sur lequel les discussions avec les syndicats n’ont toujours pas eu lieu ? Peut-on voir dans les propos du chef de l’État les prémices d’une attaque du cadre statutaire des fonctionnaires ? C’est à craindre. Car le 30 janvier devant l’Assemblée nationale, le nouveau Premier ministre (nommé le 9 janvier) déroulant son discours de politique générale a relayé les propos d’Emmanuel Macron, confirmant ainsi le projet concernant la notion de mérite. Nous agirons pour nos fonctionnaires, qui permettent à l’État d’avancer et s’engagent au service de l’intérêt général, en intégrant leur mérite et leurs efforts à leur rémunération. Un projet de loi sera déposé dès le second semestre de cette année, a précisé Gabriel Attal.
Le refus d’un projet programmé pour casser le Statut général
Comme pendant la pandémie, l’exécutif n’est pas avare de louanges, mais il ne répond toujours en rien aux agents, concrètement à leur demande de reconnaissance par le salaire. Et d’ailleurs, il n’a intégré aucune prévision budgétaire pour une mesure générale indiciaire dans la loi de finances pour 2024. Quant à la question du « mérite » … D’ores et déjà FO-Fonction publique a dit ce qu’elle en pensait ! Alors qu’un projet de « loi Fonction publique » devait être présenté en ce mois de février, l’Union interfédérale FO a demandé à maintes reprises l’abandon d’un projet programmé pour casser le statut général.
Tandis que les personnels ignorent toujours aussi la nature du prochain rattachement de la Fonction publique (à un ministère ? au Premier ministre ?), le secrétaire général de FO-Fonction publique, Christian Grolier rappelle, lui, quelques fondamentaux… Les fonctionnaires de chaque catégorie (A, B ou C) – appartenance catégorielle en référence au diplôme –, perçoivent non un salaire mais un traitement, lequel correspond à un grade (auquel est associé une grille indiciaire spécifique formée d’échelons).
La progression dans la carrière – laquelle n’est pas assimilable à un « métier » ni à l’occupation d’une « fonction » – est donc définie par des règles statutaires. Et FO s’est toujours opposée à toute velléité gouvernementale d’amoindrir, voire de « casser » ce cadre, entre autres en attaquant l’existence même des grilles, des catégories ou encore par le biais de primes exacerbant encore l’individualisation de la rémunération. Aujourd’hui les primes (non prises en compte dans le calcul de la pension) représentent 25% en moyenne de la rémunération en catégorie C, 35% en cat B et 55% en cat A. Et FO-Fonction publique rappelle que concernant leur salaire indiciaire les agents des catégories C et B démarrent au Smic et les agents de la catégorie A péniblement à 10% au-dessus. La démonstration de ce que les syndicats dont FO nomment la « paupérisation » des agents.
Revoir les grilles pour de meilleures rémunérations
Alors qu’un chantier « carrières et rémunérations » s’est ouvert l’an dernier – mais pour l’instant à l’arrêt du fait du remaniement ministériel – Christian Grolier réaffirme la revendication de FO-Fonction publique : revoir les grilles, pour les améliorer avec l’augmentation des traitements indiciaires, pour de meilleures rémunérations. Et donc toujours dans un cadre statutaire.
L’urgence est aussi bien sûr le rattrapage immédiat du pouvoir d’achat. Personne ne peut s’en étonner. Depuis 2000, les fonctionnaires ont perdu 27,5% de pouvoir d’achat [sur la valeur du point, Ndlr] entre les années de gel [qui ont démarré en 2011, Ndlr] ou de trop faibles revalorisations du point d’indice
Ainsi, depuis 2011, les seules revalorisations du point ont été de 0,6% en 2016, de 0,6% en 2017, de 3,5% en juillet 2022 quand l’inflation était de 6,1% sur un an et de 1,5% en juillet 2023 quand l’inflation était de 4,3% sur un an. En résumé : quatre revalorisations seulement du point en treize ans et bien incapables par leur niveau de rattraper la perte de pouvoir d’achat. D’autant que l’inflation était de 5,2% sur l’année en 2022. De 4,9% en 2023. Et si elle recule, elle est encore très haute, ainsi à 3,4% en janvier dernier, sur un an. Cela tandis que les observateurs la prévoient autour de 2,6% sur un an en juin. Autant dire que ce n’est pas les cinq points ajoutés à la grille au 1er janvier dernier, afin que les premiers échelons de grilles ne se retrouvent pas comme d’habitude sous le Smic, ou encore la prime dégressive qui est loin de s’adresser à tous (car conditionnée au niveau de rémunération et, à la Territoriale, soumise au bon vouloir des employeurs) qui peut satisfaire.
Mobilisation intersyndicale le 19 mars
Depuis trois ans, la forte inflation subie nécessite une revalorisation immédiate de 10% du point d’indice martèle FO-Fonction publique, rappelant que depuis des années, le gouvernement refuse toute négociation sur les rémunérations des fonctionnaires et impose ses réformes, comme la loi de transformation de la Fonction publique ou la loi sur les retraites, par le passage en force. La meilleure preuve de cette nécessité d’une mesure générale sur les traitements/Salaires est apportée par le système de GIPA (la garantie individuelle de pouvoir d’achat) qui perdure depuis 2008.
FO-Fonction publique a déposé un préavis de grève, à compter du 5 février et jusqu’au 31 mars. La période encadre une mobilisation le 19 mars, y compris par la grève à l’appel d’une intersyndicale comptant les huit organisations représentatives du public. Les agents ne sont pas dans l’attente de mérite mais d’une rémunération qui leur permette de vivre dignement et soit prise en compte pour le calcul de leurs pensions soulignaient le 25 janvier les huit organisations. Le gouvernement est ainsi prévenu.
5 février 2024
Valérie Forgeront
pour l’InFO militante