Lors de la séance plénière de rentrée du CESE, le Président Thierry Beaudet a fait un discours d'ouverture revenant sur la situation politique actuelle.
Je suis très heureux de vous retrouver aujourd’hui, en cette rentrée qui ne doit plus en être une pour bon nombre d’entre vous, revenus au travail et à vos engagements depuis plusieurs semaines. J’espère néanmoins que vos vacances ont été ressourcantes et revigorantes !
Nous voici, en ce début septembre 2024, à quelque 20 mois du terme de notre mandature. Je vous sais mobilisés pour un CESE utile, pertinent et visible jusqu’au dernier jour !
Et concernant la visibilité, je pense que nous avons été servis par une séquence, la semaine dernière, qui ne vous aura pas échappé, même aux plus distraits d’entre vous !
La situation politique issue des élections de juillet a conduit en effet le Président de la République à envisager qu’une personnalité issue de la société civile puisse diriger le gouvernement.
L’histoire s’est écrite différemment, mais arrêtons-nous un instant sur cet épisode.
La dite « société civile » a été souvent « invitée » au sein d’un gouvernement, dans une démarche d’ouverture, qu’il s’agisse par exemple d’un entrepreneur, d’une astronaute ou d’un universitaire.
Dans le cas présent, il s’agissait, semble-t-il d’engager la société civile pour ce qu’elle représente.
Cela en dit finalement beaucoup sur la situation dans laquelle se trouve notre pays.
En négatif, bien sûr, et je ne vais pas en rajouter sur le blocage politique, la défiance généralisée que nous connaissons, comme en témoignent depuis plusieurs années nos baromètres CESE / CEVIPOF. L’atomisation et la volatilité de la représentation parlementaire ne sont pas une exception française, elles sont partout en Europe. Le scrutin majoritaire nous a longtemps tenus à l’écart de cette tendance de fond, il n’y suffit plus. La tripartition de l’échiquier politique amène les partis à se neutraliser réciproquement, habitués qu’ils sont à une logique d’hégémonie et non de compromis. Une certaine pratique du pouvoir se retrouve dans l’impasse, elle a noué des nœuds qu’elle ne parvient plus à trancher. Les schémas anciens ne fonctionnent plus.
Le versant positif de la situation est tout aussi réel. Si la société civile peut apparaître comme une réponse, si elle peut incarner un changement de méthode au plus haut niveau, c’est qu’elle a considérablement gagné en sérieux, en visibilité et en crédibilité. Et notre travail à tous, membres et organisations, durant les trois années de cette mandature, n’y est pas étranger !
Pour autant, parallèlement, le CESE a pu être caricaturé. Cela dit quelque chose sur l’enfermement sur lui-même du monde politique.
Comment certains élus de la République peuvent-ils à ce point méconnaître notre Constitution, le statut et les missions de notre assemblée ?
Comment peuvent-ils ignorer que le CESE n’est pas un « machin » franco-français, mais un modèle d’institution présent dans plus de 70 pays ?
Comment peuvent-ils ignorer les engagements et actions de nos organisations au service de millions de Français ?
L’entre-soi n’est pas forcément là où l’on croit !
Je les invite à venir assister à nos auditions, à nos débats, à nos rencontres, et à nous dire où la société française, dans toute sa diversité sociale et professionnelle, est mieux incarnée, à nous dire où elle se parle et propose de façon plus féconde !
L’échelon politique, la légitimité du suffrage universel sont incontestables. Mais ils ne sont plus suffisants. L’élection ne suffit plus à faire le plein de carburant démocratique, elle a même du mal à désigner le chauffeur à mettre au volant !
A la légitimité politique issue des élections doit s’ajouter la légitimité délibérative que nous incarnons, en amont des décisions. Il s’agit d’élargir la pratique du pouvoir pour construire des politiques comprises et acceptées, afin de réaliser toutes les transitions nécessaires : économiques, sociales et écologiques. Si le vote des Français n’a pas désigné de majorité claire, le vainqueur doit être une démocratie élargie, apaisée et continue.
Nous allons travailler, encore et encore, à notre efficacité, à notre pertinence, à notre influence. C’est l’objet de la rencontre de gouvernance de demain, qui ouvrira la voie à un nouveau temps de travail en octobre, avec l’ensemble des conseillers.
Plus profondément, face à la tentation chez beaucoup d’enjamber la société civile, nous allons jouer plus collectif. Si chacune de nos organisations a ses priorités et son agenda, nous allons nous coaliser davantage pour peser plus dans le débat public.
Nous allons aller plus loin dans le lien avec les organisations, dans notre incarnation de la société civile, dans l’influence de notre assemblée.
Le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, a déjà mentionné l’importance du dialogue et des corps intermédiaires. Dès que nous aurons connaissance de la composition du gouvernement, nous prendrons l’attache des ministres, afin de faire connaître et aboutir les avis votés, et de solliciter des saisines gouvernementales.
9 septembre 2024
Source CESE