L’Assemblée nationale acte la reconnaissance du métier de médiateur social

Rédigé le 31/01/2024

La proposition de loi portée par le député Renaissance de l’Hérault Patrick Vignal visant à mieux reconnaitre la médiation sociale a été adoptée à l'unanimité à l’Assemblée nationale le 29 janvier.

Si l'ensemble des députés ont soutenu la définition d'un véritable statut aux médiateurs, certains ont déploré l'absence de moyens.

CHIFFRES-CLÉS

En 2018, 4 000 postes d’adultes-relais étaient inscrits au budget de l’État, auxquels se sont ajoutés 1 000 postes en 2019 et 1 514 postes en 2020. Le nombre de postes d’adulte-relais financés a donc progressé de 63 % depuis 2018, passant de 4 000 à 6 514.

« Remettre de l’humain dans nos territoires, voilà l’objet de cette proposition de loi », rappelait le 24 janvier en commission des affaires sociales son rapporteur, le député Renaissance de l’Hérault Patrick Vignal, reprenant le titre du rapport sur la médiation sociale remis à Matignon en mars 2022. Lundi 29 janvier au soir, le texte a été adopté à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale, en présence de plusieurs dizaines de professionnels invités pour l’occasion.

Cette proposition de loi a reçu le soutien appuyé de la nouvelle ministre du travail, de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin, qui partage avec les députés l’ambition de « reconnaître dans la loi la médiation sociale comme l’un des piliers de l’action sociale » : « Vous nous proposez un texte grâce auquel nous pourrons préciser le cadre d’intervention de la médiation sociale, confirmer son insertion dans un pilotage territorial, avec une possibilité de financement départemental – j’insiste sur l’importance du terrain –, et renforcer la formation des professionnels », a d’emblée déclaré la ministre.

Très attendue par les professionnels de la médiation sociale, cette future loi entend donner un véritable statut aux médiateurs, accroître leur professionnalisation, améliorer leur formation et clarifier leurs domaines d’intervention et les structures professionnelles dont ils dépendent.

Un statut pour les médiateurs sociaux

« La médiation nous aide à bâtir plus solidement la société et, finalement, à faire nation ensemble, a rappelé lundi, non sans accents lyriques, Patrick Vignal, dans l’Hémicycle. Ce travail souvent invisible, qui demande tout à la fois finesse, respect, indépendance, professionnalisme et humanité, doit enfin devenir visible. La médiation sociale ne dispose pas à ce jour d’un statut pleinement reconnu. Lui en donner un est le premier objectif de cette proposition de loi ».

Auteure d’une proposition de loi sur le même sujet en 2021, la députée Renaissance Anne Brugnera, a rappelé les nombreuses vertus de ces agents au contact de la population. « La médiation sociale est largement reconnue comme un moyen efficace de mise en relation entre population et organismes publics, ou de résolution des situations conflictuelles dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, a-t-elle souligné. Mais son rôle est plus large : elle répond au besoin croissant de lien social et elle a joué un rôle important, rappelons-le, pendant la pandémie de covid-19. Facteur de lien social et d’intégration, elle aide à restaurer la communication entre individus ou entre groupes de personnes, et avec les institutions. Facteur de tranquillité sociale, elle contribue à la régulation des tensions ainsi qu’à la prévention et à la gestion des conflits et des incivilités. »

Pas moins de 12 000 médiateurs, dont plus de 6500 postes d’adultes-relais, travaillent ainsi à reconstruire du lien social au plus près des habitants, souvent dans des quartiers en difficulté. Médiateurs sociaux, correspondants de nuit… Ils sont souvent peu formés, recrutés sur des contrats précaires, payés au SMIC et n’ont aucun statut. A ce jour, en effet, seule une norme Afnor, homologuée en 2021, régit l’exercice de leur métier. 

Traduction législative d’un rapport parlementaire conduit par Patrick Vignal en 2022, la proposition de loi adoptée lundi soir crée enfin un statut du médiateur social et inscrit la médiation sociale dans le code de l’action sociale et des familles. Celle-ci est définie comme « un processus de création et de réparation du lien social, ainsi que de règlement des situations conflictuelles de la vie quotidienne. Toujours pour mieux encadrer la profession, le texte prévoit également la mise en place de « référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques ».

Par ailleurs, le texte précise les modalités de mise en œuvre de la médiation sociale qui peut « être mise en place à l’initiative de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, et de toute personne morale, publique ou privée ». Il définit aussi de nouveaux « contrats pluriannuels de développement territorial de la médiation sociale », qui préciseraient « le cadre de la gouvernance et du pilotage du développement territorial de la médiation sociale ainsi que les contributions financières respectives des signataires ».

Soutien unanime

Co-signée par des députés de gauche et de droite, la PPL a suscité une large adhésion au sein de l’Hémicycle. « Les métiers de la médiation sociale sont de plus en plus essentiels dans notre société, a jugé le socialiste Gérard Leseul, aussi saluons-nous l’examen d’une proposition de loi qui vise à mieux en reconnaître les mérites, à en renforcer la formation et à en assurer la structuration et la pérennité ». Le député a proposé d’aller plus loin encore, notamment sur le plan budgétaire.

Le député Horizons, François Gernigon, a apporté lui aussi le soutien de son groupe à « ce texte attendu par les professionnels concernés, qui valorise leur engagement quotidien et renforce la construction d’une société plus inclusive, à l’écoute et solidaire ». Même soutien exprimée chez Les Républicains par la voix de la députée Josiane Corneloup selon laquelle « prendre soin des autres doit devenir une priorité nationale. Voilà ce qu’il faudrait mettre en avant dans une grande campagne de communication » en faveur des médiateurs sociaux.

« Votre texte souligne l’importance du travail social et l’utilité de la médiation sociale, a commenté pour sa part la députée LFI Sophia Chikirou. Il a le mérite indéniable de donner un statut aux médiateurs, de définir leur fonction et de fixer un référentiel de compétences et de formation. Il s’agissait d’une demande des professionnels du secteur ». Pour autant, la députée a fustigé des budgets qui ne suivent pas car « ces contrats sont payés au Smic et demeurent en nombre insuffisant pour satisfaire la demande des associations, des bailleurs et des collectivités territoriales ». Elle a également demandé comme l’ont fait d’autres parlementaires à « réserver la médiation sociale aux acteurs du secteur non lucratif », demande rejetée.

Un texte qui « va dans le bon sens » a approuvé de son côté la députée écologiste Sandrine Rousseau, selon laquelle, cependant, « quelques médiateurs ne répareront jamais l’immensité du mal que produit l’idéologie libérale dans nos vies quotidiennes ».

Le Rassemblement national a également salué l’action des médiateurs, le député Thibaut François jugeant au passage « impératif de promouvoir la médiation sociale partout sur le territoire national y compris dans les territoires les plus reculés, de façon à ne pas concentrer exclusivement les moyens de l’État sur les quartiers prioritaires ».

Répondant aux nombreuses observations sur les moyens requis pour développer la médiation, le rapporteur Patrick Vignal a plaidé en faveur d’un « acte II », ayant pour « ambition de donner aux médiateurs les moyens d’agir, une fois cette proposition de loi adoptée et leur métier devenu plus visible ». Et d’évoquer les multiples propositions contenues dans le rapport de 2022 : la création de passerelles avec la fonction publique, la contractualisation avec le CNFPT, le déploiement de la médiation scolaire ou encore le co-financement Etat-collectivités selon le principe « 1 euro de l’Etat pour 1 euro des collectivités ».

Le texte va maintenant devoir être examiné par le Sénat avant de revenir devant les deux chambres pour une nouvelle lecture.

FOCUS

Les principales mesures votées

Un statut : L’article 1er crée un cadre juridique relatif à la médiation sociale. Il crée un statut du médiateur social et définit, dans le code de l’action sociale et des familles, la médiation sociale comme « un processus de création et de réparation du lien social, ainsi que de règlement des situations conflictuelles de la vie quotidienne. Elle participe à la régulation des tensions et à la prévention des comportements incivils, notamment dans les espaces publics ou collectifs ».

Développement territorial : Des contrats pluriannuels de développement doivent permettre une couverture pertinente par la médiation sociale du territoire défini par les parties, et particulièrement des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ils déterminent les modalités de gouvernance et de pilotage du développement territorial de la médiation sociale, ainsi que les contributions financières de chacun des signataires.

Formation : L’activité de médiation sociale est défini et encadré par des référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques, articulés avec ceux du travail social.

Le rôle du département : L’article 2 ajoute la médiation sociale à la liste des actions sociales que le département peut mener dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il n’impose aucune compétence obligatoire mais offre aux départements une possibilité supplémentaire d’intervention.

Les adultes relais : L’article 3 recentre les missions des adultes-relais sur la seule médiation sociale pour faire de ce dispositif d’insertion professionnelle un vrai tremplin.

7000 médiateurs sociaux en plus ? Article nouveau, le gouvernement devra dans les 18 mois qui suivront la promulgation de la loi établir un rapport un rapport « évaluant le nombre réel de postes de médiateurs sociaux »  et « l’opportunité et la faisabilité de financer 7 000 postes supplémentaires de médiateurs sociaux », mesure phare du rapport Vignal de 2022.

30 janvier 2024
source La Gazette des Communes