Fonction Publique : tout savoir sur les dispositifs d'insertion des travailleurs handicapés


Les dispositions de la loi de transformation de la Fonction publique relatives à l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés reposent sur le volontarisme des employeurs territoriaux. Le législateur a opté pour le pragmatisme en organisant deux procédures dérogatoires à titre expérimental. Celles-ci portent sur les titularisations et les promotions. Ces expérimentations doivent faire l'objet d'un bilan annuel, qui est présenté devant le comité social territorial et intégré dans le rapport social unique.

Les dispositions de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique (TFP) relatives à l’égalité professionnelle pour les travailleurs en situation de handicap n’ont pas été aussi commentées que celles relatives, par exemple, à l’extension des cas de recours aux agents contractuels.

Pourtant, sans bouleverser la matière, la loi « TFP » a procédé à de nombreuses améliorations des dispositifs visant à assurer le respect du principe de non-discrimination. Ainsi, ont été mis en place des dispositifs nouveaux devant faciliter l’accès des travailleurs handicapés à l’emploi public et les faire bénéficier de modalités de titularisation et de promotion aménagées.

Accès à l’activité professionnelle

Dérogations aux règles des concours et des examens

Larticle 90 de la loi « TFP » a modifié l’article 35 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la Fonction publique territoriale, en vue de poser le principe selon lequel « des dérogations aux règles normales de déroulement des concours, des procédures de recrutement et des examens sont prévues afin d’adapter la durée et le fractionnement des épreuves à la situation des candidats [en situation de handicap] ou de leur apporter les aides humaines et techniques nécessaires précisées par eux préalablement au déroulement des épreuves ».

Le décret n° 2020-523 du 4 mai 2020 a mis en œuvre cette faculté. Il revient à l’autorité organisatrice des épreuves de décider de ces adaptations des règles normales de déroulement, au vu de la production par les candidats concernés d’un certificat médical établi par un médecin agréé. Ce certificat doit dater de moins de six mois avant les épreuves et préciser la nature des aides humaines et techniques, ainsi que les aménagements nécessaires pour permettre aux candidats de composer « dans des conditions compatibles avec leur situation ».

Pour autant, ces recommandations ne sont mises en œuvre par l’autorité compétente que si les charges afférentes ne sont pas disproportionnées au regard des moyens matériels et humains dont elle dispose. Cette appréciation pourra se révéler délicate à appréhender pour elle.

Portabilité conditionnée des équipements adaptés

Le même article 90 a prévu que, pour tout changement d’emploi dans le cadre d’une mobilité, les administrations soumises à la loi de 1983 prennent les mesures appropriées qui permettent aux agents en situation de handicap de « conserver leurs équipements contribuant à l’adaptation de leur poste de travail ».

Il s’agit de lever un frein réel à la mobilité professionnelle des travailleurs handicapés, les adaptations de leur poste de travail pouvant se révéler fort onéreuses et donc dissuasives pour l’administration intéressée au recrutement.

Cette portabilité des équipements consiste à prendre les mesures permettant aux agents en situation de handicap de conserver, dans une nouvelle collectivité d’emploi comme en cas de changement de poste au sein d’une même collectivité, les équipements contribuant à l’adaptation du nouveau poste de travail. A l’instar des mesures d’adaptation des épreuves de concours et examens, ces mesures ne sont mises en œuvre que si leur coût est inférieur à celui qui résulterait de l’adaptation, à la charge de la structure d’accueil, du nouveau poste de travail de l’agent.

Les modalités de mise en œuvre de la portabilité des équipements en cas de changement d’administration de l’agent – notamment la cession, le transport et l’installation des équipements -, ainsi que la prise en charge par l’administration d’accueil des coûts afférents sont définies par convention entre cette structure et l’administration d’origine de l’agent.

Titularisation post-contrat d’apprentissage

L’article 92 de la loi « TFP » a prévu, à titre expérimental, jusqu’au 8 août 2024, la possibilité de titulariser les personnes relevant de larticle L.5212-13 du code du travail ayant bénéficié d’un contrat d’apprentissage, à l’issue de celui-ci, dans le corps ou cadre d’emplois correspondant à l’emploi qu’elles occupaient. Le décret n° 2020-530 du 5 mai 2020 en organise les modalités de mise en œuvre. Le cadre d’emplois d’accueil est déterminé, pour chaque personne, au regard du diplôme ou du titre préparé dans le cadre du contrat d’apprentissage et du niveau de diplôme exigé par le statut particulier.

Le décret impose aux personnes concernées de déposer leur candidature trois mois au moins avant la fin du contrat. Ces dernières doivent avoir été informées, par l’autorité territoriale, de l’existence de cette voie de titularisation. Une fois la demande reçue, et dans le délai de un mois, l’autorité territoriale peut ne pas donner suite à la demande du candidat ou, au contraire, lui transmettre une proposition de titularisation, en l’invitant à lui transmettre un dossier de candidature dans un délai de quinze jours. L’article 14 du décret fixe limitativement les éléments composant ce dossier.

La procédure de sélection s’organise en deux temps. En premier lieu, le dossier de candidature ainsi que le bilan de la période d’apprentissage sont transmis à une commission chargée de statuer sur l’aptitude du candidat, dont la composition est fixée à l’article 15 du décret et dont les membres sont nommés par l’autorité territoriale, qui en assure la présidence. Pour statuer sur l’aptitude du candidat à être titularisé, sont appréciés ses capacités à exercer les missions prévues pour le cadre d’emplois de titularisation, sa motivation, son bilan d’apprentissage, son parcours professionnel ainsi que ses connaissances sur l’environnement professionnel. En second lieu, et à l’issue de cette vérification de l’aptitude, la commission peut convoquer le candidat pour un entretien. Celui-ci commence par une présentation du candidat et se poursuit par un échange avec la commission, le tout ne pouvant excéder quarante-cinq minutes. La commission émet un avis sur l’aptitude du candidat à être titularisé, la décision revenant en toute logique à l’autorité territoriale. Celle-ci peut toutefois déléguer l’entière procédure au centre de gestion (1).

Le fonctionnaire titularisé est classé au 1er  échelon du premier grade du cadre d’emplois d’accueil, sauf à justifier, avant la conclusion du contrat d’apprentissage, d’une activité professionnelle bénéficiant des dispositions du statut particulier du cadre d’emplois d’accueil permettant la prise en compte de ces services pour le classement consécutif à la titularisation.

L’agent bénéficiera, lorsqu’elle est prévue par le statut particulier, d’une formation d’intégration et d’un accompagnement adapté à sa situation en vue de favoriser son insertion professionnelle, en lien avec le référent handicap. Il sera, en outre, soumis aux formations de professionnalisation au premier emploi prévues par le statut particulier.

Promotion par détachement

Modalités de mise en œuvre :

L’article 93 de la loi « TFP » organise une autre expérimentation, du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025, consistant, pour les fonctionnaires en situation de handicap, à pouvoir accéder à un corps ou cadre d’emplois de niveau supérieur ou de catégorie supérieure par la voie du détachement, sous réserve d’avoir accompli une certaine durée de services publics. Le décret n° 2020-569 du 13 mai 2020 en détermine les conditions d’application.

Le nombre d’emplois offerts au « détachement promotionnel » est fixé par l’autorité territoriale, chaque emploi faisant l’objet d’un avis d’appel à candidatures. La durée de services publics effectifs dont les candidats doivent justifier est celle fixée par le cadre d’emplois d’accueil pour accéder au concours interne (2).

Globalement, la procédure de sélection se déroule de la même manière que pour la titularisation après contrat d’apprentissage : en deux temps (vérification de l’aptitude puis audition du candidat) et par la même commission chargée d’évaluer l’aptitude des candidats (3). L’autorité territoriale peut, là aussi, déléguer cette procédure au centre de gestion. La durée du détachement est conditionnée à l’éventuelle existence d’une période obligatoire de stage ou de formation initiale prévue par le statut particulier. Si elle existe, le détachement est prononcé pour la durée de ce stage ou de cette formation. En l’absence d’une telle période, le détachement est prononcé pour un an.

Le déroulement de la période de détachement doit faire l’objet d’un rapport d’appréciation faisant état des compétences acquises et de leur mise en œuvre, établi par le supérieur hiérarchique.

Sortie du détachement

A l’issue de cette période, la commission d’aptitude évalue à nouveau l’aptitude du fonctionnaire détaché, en organisant un entretien de quarante-cinq minutes, sur la base du rapport d’appréciation. A l’issue, elle peut déclarer l’agent apte à intégrer définitivement le cadre d’emplois de détachement. L’autorité territoriale y procède. La commission peut également proposer le renouvellement du détachement ; l’autorité territoriale peut y consentir ou décider de réintégrer l’agent dans son cadre d’emplois d’origine. La commission peut, enfin, proposer la réintégration de l’agent dans son cadre d’emplois d’origine, si son évaluation n’est pas concluante. Ici, le fonctionnaire est réintégré de plein droit dans son cadre d’emplois d’origine.

Dans ces deux dernières hypothèses, le fonctionnaire bénéficie d’un entretien, en lien avec le référent handicap, afin de procéder à une évaluation de ses compétences professionnelles et d’identifier les mesures d’accompagnement nécessaires pour une bonne insertion professionnelle (dans le cadre de détachement ou dans son cadre d’origine).Pour ces deux expérimentations (titularisation et détachement), un bilan annuel doit être présenté devant le comité social territorial compétent. Ces deux bilans doivent, par ailleurs, être insérés dans le rapport social unique (4)

14 avril 2021
source La Gazette