Démissions : les administrations ne peuvent pas retenir leurs fonctionnaires sans motif valable
Le tribunal administratif de Nancy vient d’enjoindre à une commune d’accepter la démission de l’une de ses fonctionnaires. Pour la lui refuser, la collectivité avait mis en avant la charge financière que représentait cette démission. Des difficultés financières qui n’ont pourtant pas été prouvées.
Les administrations peuvent refuser la démission d’un de leurs agents pour des raisons de service, mais faut-il encore que ces administrations apportent la preuve d’une réelle nécessité de service. C’est ce que vient de rappeler le tribunal administratif de Nancy dans un jugement du 13 mai par lequel les juges ont enjoint une commune d’accepter la démission d’une de ses fonctionnaires.
Le tribunal avait été saisi par une adjointe technique territoriale principale de deuxième classe qui occupait les fonctions d’assistante territoriale spécialisée des écoles maternelles (Atsem) au sein de la commune d’Archettes dans les Vosges. Celle-ci avait présenté sa démission en mai 2023 pour suivre son conjoint muté pour raisons professionnelles. Cette démission avait néanmoins été refusée par le maire de cette commune. Un refus que cette fonctionnaire avait décidé de contester devant la justice.
Selon la requérante, le refus de sa démission n’aurait pas “été décidé dans l’intérêt du service”et son départ n’était “pas de nature à perturber le fonctionnement du service”. À ses yeux, par ailleurs, sa commune ne pouvait pas invoquer des “difficultés financières” pour justifier sa position. Des arguments que les juges accueillent aujourd’hui favorablement.
Des démissions très encadrées
Dans son jugement, le tribunal administratif rappelle tout d’abord les règles relatives aux démissions de fonctionnaires. Comme prévu à l’article L.551-1 du code général de la fonction publique (CGFP), la démission d’un fonctionnaire “ne peut résulter que d’une demande écrite de l’intéressé marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions”. “Elle n’a d’effet qu’après acceptation par l’autorité investie du pouvoir de nomination”, est-il aussi écrit dans cet article. Aussi, expliquent les juges, “aucune disposition de loi ou de règlement ne limite le pouvoir de l’autorité compétente d’apprécier l’intérêt du service pour accepter ou non la démission d’un fonctionnaire”.
Dans l’affaire en question, le maire de la commune d’Archettes invoquait la “charge financière” que “ferait peser sur les comptes de la commune le versement d’allocations de retour à l’emploi à l’intéressée”. Des comptes “soumis à des restrictions budgétaires”, ajoutait l’élu selon qui la démission en question pourrait être assimilée à une perte involontaire d’emploi. Le maire mettait aussi en avant la nécessité de la remplacer.
En défense, néanmoins, la commune s’est bornée à produire son compte administratif approuvé pour l’année 2022 et l’état d’exécution du budget arrêté au 10 novembre 2023. Pour les juges, elle “ne démontre” pas “de difficultés financières telles qu’elle ne puisse faire face aux dépenses éventuellement induites par la démission” de la requérante. Cette commune “ne démontre pas non plus que le remplacement de l’intéressée ne pourrait être organisé par un redéploiement des effectifs compatible avec le bon fonctionnement des services de la commune”,souligne également le tribunal. En conséquence, les juges enjoignent au maire d’Archettes d’accepter sa démission dans un délai d’un mois.
22 mai 2025
Bastien Scordia
pour ACTEURS PUBLICS