Fonction publique : la contestation d’une mutation doit se faire dans le respect des règles, notamment d’obéissance
Le tribunal administratif de Melun vient de rejeter le recours d'une fonctionnaire contre la sanction d'exclusion temporaire prononcée à son encontre pour s’être rendue sur son ancien lieu de travail afin de contester sa nouvelle affectation. Un évènement qui avait nécessité l'intervention de la gendarmerie pour lui faire quitter les lieux. “La circonstance qu'elle estimait injuste sa mutation interne n'est pas de nature à regarder [la requérante] comme justifiant d'un motif de désobéir”, expliquent les juges.
Le fait de trouver injuste une mutation ne constitue pas une raison d’y désobéir pour les fonctionnaires. Et, surtout, ils n’ont pas droit de se rendre sur leur ancien lieu de travail pour contester leur nouvelle affectation, comme vient de l’indiquer le tribunal administratif de Melun dans un jugement du 15 mai.
Les juges avaient été saisis par une fonctionnaire territoriale qui occupait depuis 2019 des fonctions d’adjointe technique et d’adjointe d’animation scolaire au sein d’une commune de Seine-et-Marne. À la suite d’un arrêt maladie en avril 2022, son employeur avait estimé que les tâches qui lui étaient confiées n’étaient plus en adéquation avec son état de santé, et avait donc décidé de l’affecter sur un poste d’agent d’entretien.
Intervention des gendarmes
À 7h15, le 30 mai 2022, cette fonctionnaire s’était présentée à son ancien poste de travail et avait pris à partie le maire et différents adjoints, lesquels avaient eu recours à l’intervention des gendarmes pour lui faire quitter les lieux. À la suite de cet évènement, l’intéressée s’était vue infligée une sanction d’exclusion temporaire des fonctions pour une durée de deux jours. Une sanction qu’elle avait décidé d’attaquer en justice.
Dans son recours, cette fonctionnaire ne contestait pas s’être présentée à son ancien poste de travail, malgré son changement d’affectation. Elle ne contestait pas non plus “s’être maintenue” dans ces locaux “en dépit de la demande de deux adjoints au maire et du maire de quitter les lieux, nécessitant en définitive l’intervention des gendarmes”. Mais, expliquent les juges, “si elle soutient que son intention était seulement de s’entretenir avec le maire dans la perspective qu’il renonce à ce changement d’affectation, il ressort des pièces du dossier qu’elle avait la ferme intention de ne pas déférer à cette mutation interne”.
À ce propos, elle avait notamment indiqué : “À mon retour, je reprendrais (sic) mes horaires et mon planning de travail comme auparavant”. Pour les juges, cette fonctionnaire a donc “délibérément refusé d’obéir à un ordre de sa hiérarchie” et n’est, “dès lors, pas fondée à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne seraient pas établis”.
Quant à la qualification juridique des faits, les juges rappellent les dispositions du code général de la fonction publique (CGFP) selon lesquelles les agents publics doivent se conformer aux instructions de leurs supérieurs hiérarchiques, “sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public”. “En principe, justifie une mesure disciplinaire le refus d’obéir à un ordre qui n’est pas manifestement illégal et en outre de nature à compromettre gravement un intérêt public”, rappellent-ils ainsi.
Pas de motif de désobéissance
Pour la requérante, les faits qui lui étaient reprochés n’étaient “pas constitutifs“ d’une faute justifiant l’édiction d’une sanction disciplinaire à son encontre. À ce propos, elle disait ainsi ne pas avoir pas perturbé l’accueil des enfants à la crèche ni empêché sa remplaçante de prendre ses fonctions. Elle affirmait aussi avoir intégré son nouveau poste de travail à 9 heures le jour des faits en litige, et qu’elle “souhaitait simplement et légitimement pouvoir s’entretenir avec le maire au sujet de sa mutation interne”.
Pour les juges, néanmoins, cette fonctionnaire s’est “opposée aux instructions de sa hiérarchie”en se présentant à son ancien poste de travail et en manifestant son intention de ne pas quitter ledit poste. “Si la requérante soutient ne pas avoir troublé le bon fonctionnement du service public, le maire ainsi que deux de ses adjoints, puis les gendarmes, ont été conduits à intervenir pour lui faire quitter les lieux, témoignant à tout le moins d’une altercation dépassant la simple discussion entre un agent et son employeur”, poursuivent-ils dans leur jugement.
Aussi, explique le tribunal, “la circonstance qu’elle estimait injuste sa mutation interne n’est pas de nature à regarder [la requérante] comme justifiant d’un motif de désobéir dès lors que l’ordre qui lui avait été donné n’était ni manifestement illégal ni de nature à compromettre gravement un intérêt public”. Surtout, rappelle-t-il, cette fonctionnaire n’avait jusqu’alors fait aucune observation à la suite de la notification de son changement d’affectation ni tenté d’obtenir un rendez-vous auprès du maire pour s’entretenir avec lui à ce sujet. Aux yeux des juges, ce refus d’obéissance constitue ainsi “une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire”. “Le moyen tiré de l’erreur de qualification juridique des faits doit dès lors être écarté”, concluent-ils, en rejetant donc le recours de la requérante contre la sanction d’exclusion temporaire prononcée à son encontre.
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