L’agent muté n’est pas obligé de dire qu’il fait l’objet d’une enquête pénale


En l’absence de dispositions en ce sens, le fonctionnaire n’a aucune obligation d’informer la commune auprès de laquelle il postule qu’il fait l’objet d’une enquête pénale. Tel est le sens d'une décision du Conseil d'Etat du 30 décembre 2021.

Souhaitant changer de collectivité, la gestionnaire des finances municipales d’une commune, rédactrice territoriale en chef, a, quelques mois après son recrutement, postulé sur un poste similaire auprès d’une autre commune. L’entretien d’embauche s’est bien passé et la commune a accepté de la recruter. Sa collectivité d’origine a également accepté sa mutation. Mais entre temps, l’agente a été condamnée à une peine de prison avec sursis pour abus de confiance commis dans l’exercice de précédentes fonctions exercées auprès du comité des œuvres sociales d’une autre collectivité, sans que cette condamnation ne soit inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire.

Informé de la situation, le maire de la commune d’accueil a alors fait savoir à l’intéressée et à sa collectivité d’origine que, compte tenu de cette condamnation, il ne souhaitait plus donner suite à la procédure de recrutement, l’agente étant alors invitée à reprendre ses fonctions dans sa collectivité d’origine.

Espérant obtenir réparation du retrait de l’accord qui avait été donné à son recrutement, l’intéressée a saisi la juridiction administrative. En première instance comme en appel, sa demande a été rejetée, et c’est la Haute juridiction, en tant que juge de cassation qui a été appelée à se prononcer dans cette affaire.

Pas d’obligation d’information

S’appuyant sur les dispositions du statut général des fonctionnaires (lois n°83-634 et n°84-53), le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que la mutation d’un fonctionnaire territorial en dehors de sa collectivité d’origine suppose, d’une part, un accord entre le fonctionnaire concerné et la collectivité d’accueil, l’absence d’opposition de la collectivité d’origine et, enfin, l’écoulement d’un délai de trois mois entre la décision de la collectivité d’accueil de recruter ce fonctionnaire et la prise de fonctions de celui-ci, à moins que les deux collectivités ne parviennent à un accord sur une date d’effet anticipée.

Mais surtout, contrairement aux juges d’appel, le Conseil d’Etat a estimé qu’en l’absence de disposition législative ou réglementaire en ce sens, un fonctionnaire n’a aucune obligation d’informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d’une procédure de mutation de l’existence d’une enquête pénale le mettant en cause ; en n’en faisant pas état, l’intéressé ne commet aucune fraude.

Devoir de probité

La Haute juridiction a ainsi censuré l’arrêt de la CAA de Versailles qui avait estimé que la décision de procéder au recrutement de l’intéressée avait été obtenue par fraude et pouvait donc être librement retirée par la commune. Les juges d’appel avaient en effet considéré que l’agente avait manqué à son devoir de probité en dissimulant à la commune auprès de laquelle elle avait postulé qu’elle faisait l’objet d’une enquête pénale pour abus de confiance portant sur des faits commis dans l’exercice de fonctions analogues.

On notera l’attachement farouche du Conseil d’Etat à préserver l’état de droit : pas de texte, pas d’obligation ! Tel est le fondement de cette décision. L’obligation d’information dégagée par les juges d’appel ne reposait sur aucun texte. Elle ne pouvait donc être imposée à l’agente, quand bien même les faits à l’origine de sa condamnation pénale avaient été commis dans l’exercice de fonctions analogues à celles pour lesquelles elle avait postulé.

Reste à savoir si l’agente obtiendra réparation du préjudice subi du fait de sa mutation avortée. Certes, il n’y a pas fraude de l’agente, mais la commune a-t-elle pour autant commis une faute en revenant sur sa décision de la recruter ? C’est désormais à la CAA de Versailles, devant qui l’affaire est renvoyée, de se prononcer.

RÉFÉRENCES
11 janvier 2022
Source La Gazette des Communes