La démission des agents territoriaux en 10 questions


La dĂ©mission d'un fonctionnaire territorial entraĂ®ne, si elle est acceptĂ©e, sa radiation des cadres. Celle d'un agent contractuel territorial Ă©galement mais elle n'a pas, en principe, Ă  ĂŞtre acceptĂ©e.

01 – Quel est l’effet de la dĂ©mission d’un agent territorial ?

La dĂ©mission d’un fonctionnaire territorial entraĂ®ne, si elle est acceptĂ©e, sa radiation des cadres. En effet, la « dĂ©mission rĂ©gulièrement acceptĂ©e Â» du fonctionnaire est l’une des causes de cessation dĂ©finitive de fonctions qui implique sa radiation des cadres (code gĂ©nĂ©ral de la fonction publique, CGFP, art. L550-1).

Celle d’un agent contractuel territorial a la mĂŞme consĂ©quence : son contrat est rĂ©siliĂ©, mais sa dĂ©mission n’a pas, en principe, Ă  ĂŞtre validĂ©e

 

02 – Quelle forme doit prendre la dĂ©mission des fonctionnaires territoriaux ?

Selon l’article L551-1 du CGFP qui reprend les termes de la loi du 26 janvier 1984, Â« la dĂ©mission [du fonctionnaire territorial] ne peut rĂ©sulter que d’une demande Ă©crite de l’intĂ©ressĂ© Â». Une dĂ©mission orale n’est donc pas recevable par l’autoritĂ© territoriale. En effet, l’agent pourrait toujours nier cette dĂ©mission s’il change d’avis ultĂ©rieurement.

En outre, la demande du fonctionnaire doit, selon cette mĂŞme disposition, marquer « sa volontĂ© non Ă©quivoque de cesser ses fonctions Â». En d’autres termes, l’intention formulĂ©e par l’agent doit ĂŞtre claire. En principe, une dĂ©mission ne se prĂ©sume pas. Elle ne peut non plus se dĂ©duire du comportement adoptĂ© par l’agent devant la demande pressante de son administration. C’est aussi la raison pour laquelle un Ă©crit est exigĂ©. Ainsi, un fonctionnaire ne peut pas ĂŞtre dĂ©clarĂ© Â« dĂ©missionnaire de fait Â», parce qu’il serait absent de manière injustifiĂ©e. Dans cette circonstance, son comportement peut, en revanche, caractĂ©riser un abandon de poste conduisant Ă  la radiation des cadres.

Par ailleurs, l’administration ne peut pas accepter la démission d’un fonctionnaire dont le consentement aurait été vicié, par exemple en raison d’une affection mentale. Ainsi, pour que la démission soit valable, le fonctionnaire doit être en mesure d’apprécier la portée de son acte.

En revanche, aucune disposition n’empĂŞche l’administration d’accepter la dĂ©mission d’un fonctionnaire territorial, alors qu’il est en congĂ© de maladie. Le juge a Ă©galement prĂ©cisĂ© que l’administration n’était pas non plus obligĂ©e de proposer Ă  un agent dĂ©missionnaire un amĂ©nagement de poste ou une autre affectation (1).

Concernant les agents contractuels, les modalitĂ©s de leur dĂ©mission sont dĂ©finies de manière particulière par le dĂ©cret du 15 fĂ©vrier 1988 modifiĂ© (lire la question suivante).

FOCUS

La démission des agents territoriaux, en bref

  • Radiation des cadres – Une fois acceptĂ©e, la dĂ©mission du fonctionnaire entraĂ®ne sa radiation des cadres et la perte de la qualitĂ© de fonctionnaire.

  • Acceptation ou non – La dĂ©mission du fonctionnaire est soumise Ă  l’acceptation de l’administration, qui peut toujours la refuser. Celle d’un contractuel n’a, en principe, pas Ă  l’être.

  • IrrĂ©vocabilitĂ© â€“ Dès que la dĂ©mission est acceptĂ©e, elle est irrĂ©vocable. Mais tant que l’administration n’a pas donnĂ© son accord, le fonctionnaire peut toujours la retirer, mĂŞme verbalement.

 

03 – Quelle est la procĂ©dure de dĂ©mission pour les agents contractuels ?

Contrairement Ă  celle d’un fonctionnaire, la dĂ©mission d’un agent contractuel n’est pas, sauf clause contraire insĂ©rĂ©e dans le contrat de recrutement, subordonnĂ©e Ă  l’acceptation de l’administration.

En outre, l’agent contractuel doit prĂ©senter sa dĂ©mission en respectant un prĂ©avis variable selon son anciennetĂ© (dĂ©cret du 15 fĂ©vrier 1988, art. 39). Ce prĂ©avis est

  • de huit jours, si l’intĂ©ressĂ© a accompli moins de six mois de services auprès de l’autoritĂ© qui l’a recruté ;

  • de un mois, s’il justifie auprès de cette autoritĂ© d’une anciennetĂ© de services entre six mois et deux ans ;

  • de deux mois, s’il a une anciennetĂ© d’au moins deux ans.

De manière gĂ©nĂ©rale, les agents contractuels doivent prĂ©senter leur dĂ©mission par lettre recommandĂ©e avec demande d’avis de rĂ©ception.

Pour la dĂ©termination de la durĂ©e du prĂ©avis, l’anciennetĂ© est dĂ©comptĂ©e jusqu’à la date d’envoi de la lettre de dĂ©mission. Elle est calculĂ©e compte tenu de l’ensemble des contrats conclus avec l’agent, y compris ceux effectuĂ©s avant une interruption de fonctions sous rĂ©serve que cette interruption n’excède pas quatre mois et qu’elle ne soit pas due Ă  une dĂ©mission de l’agent.

Par ailleurs, s’agissant d’un agent contractuel qui s’abstiendrait de reprendre son emploi à l’issue d’un congé de maternité ou d’adoption, il est tenu de notifier cette intention quinze jours au moins avant le terme de ce congé. En effet, un agent contractuel peut être considéré comme démissionnaire même en l’absence de demande expresse de sa part, notamment lorsqu’il ne demande pas sa réintégration après le congé.

On notera, enfin, que les mĂŞmes règles s’appliquent Ă  la dĂ©mission des agents recrutĂ©s au titre d’un contrat de projet (CGFP, art. L332-26).

 

04 – L’administration est-elle tenue d’accepter la dĂ©mission de l’agent territorial ?

S’agissant des fonctionnaires territoriaux, la dĂ©mission doit ĂŞtre acceptĂ©e par l’autoritĂ© titulaire du pouvoir de nomination pour qu’elle produise ses effets (CGFP, art. Â­L550-1). Mais l’administration est libre d’apprĂ©cier, en fonction de l’intĂ©rĂŞt du service, si la dĂ©mission prĂ©sentĂ©e par le fonctionnaire doit ou non ĂŞtre accordĂ©e.

Si l’administration refuse sa dĂ©mission pour un motif tirĂ© de l’intĂ©rĂŞt du service, l’intĂ©ressĂ© ne peut invoquer une atteinte Ă  sa libertĂ© individuelle. Il n’a pas un droit Ă  quitter librement ses fonctions. ­NĂ©anmoins, en pratique, l’administration s’oppose rarement Ă  la dĂ©mission d’un fonctionnaire qui en a clairement et en tout discernement manifestĂ© le souhait. On comprend assez bien que dans ces circonstances, un agent qui souhaite quitter ses fonctions sera, de toute façon, davantage un frein qu’un Ă©lĂ©ment « moteur Â» du fonctionnement du service.

En ce qui concerne les agents contractuels, en revanche, aucune disposition lĂ©gislative ou rĂ©glementaire n’impose, de manière gĂ©nĂ©rale, que leur dĂ©mission soit acceptĂ©e par l’administration. Ils sont libres de dĂ©missionner. Dès lors, un agent contractuel ne peut invoquer le dĂ©faut d’acceptation de sa dĂ©mission par l’autoritĂ© compĂ©tente, ni un droit de rĂ©tractation. MĂŞme si l’administration n’a pas Ă  accepter, en principe, la dĂ©mission d’un agent contractuel territorial, elle peut toujours formaliser son dĂ©part volontaire en prenant un arrĂŞtĂ© constatant son dĂ©part.

Cet arrêté n’aura pas valeur d’acceptation. Enfin, une clause contraire peut être insérée dans le contrat et prévoir qu’en cas de démission de l’agent l’acceptation de l’administration sera requise. L’agent, pour sa part, doit respecter un préavis.

 

05 – Dans quel dĂ©lai l’administration doit-elle se prononcer ?

Pour accepter ou refuser la dĂ©mission d’un fonctionnaire territorial, l’administration dispose d’un mois Ă  compter de la rĂ©ception de la prĂ©sentation de la dĂ©mission (CGFP, art. L551-2).

L’absence de rĂ©ponse de ­l’administration dans le mois suivant la rĂ©ception de la demande de dĂ©mission ne vaut pas dĂ©cision implicite de rejet de la dĂ©mission : cela signifie qu’elle a ­refusĂ© de statuer. Ce refus peut ĂŞtre contestĂ© devant le juge administratif.

Une fois le délai d’un mois expiré, si l’administration n’a pris aucune décision, la demande de démission n’est plus valable. S’il souhaite maintenir sa démission, le fonctionnaire doit formuler une nouvelle demande de démission ((CE sect., 27 avril 2011, req. n° 335370)).

 

06 – Quelle est la situation du fonctionnaire dĂ©missionnaire pendant ce dĂ©lai ?

Tant que l’administration n’a pas accepté la démission et fixé la date à laquelle elle doit prendre effet, le fonctionnaire conserve son lien avec le service. Aussi doit-il continuer à exercer ses fonctions sous peine qu’un abandon de poste soit caractérisé ou, le cas échéant, de faire l’objet de poursuites disciplinaires.

Le fonctionnaire cessant ses fonctions avant la date fixĂ©e par l’autoritĂ© compĂ©tente pour accepter sa dĂ©mission peut aussi supporter, s’il a droit Ă  pension, une retenue correspondant au plus Ă  la rĂ©munĂ©ration des services non accomplis. Elle s’impute alors sur les premiers versements qui lui sont faits Ă  ce titre dans la limite du cinquième de leur montant (CGFP, art. L551-2).

 

07 – Que se passe-t-il une fois que la dĂ©mission est acceptĂ©e par l’administration ?

La dĂ©mission ne prend effet qu’une fois validĂ©e par l’administration. Une fois acceptĂ©e, elle est irrĂ©vocable (CGFP, art. L551-1).

Par ailleurs, l’acceptation de la dĂ©mission par l’administration n’empĂŞche pas, le cas Ă©chĂ©ant, la mise en Ĺ“uvre d’une action disciplinaire fondĂ©e sur des faits qui seraient rĂ©vĂ©lĂ©s postĂ©rieurement (CGFP, art. L551-2).

 

08 – Quelle consĂ©quence en cas de refus de la dĂ©mission ?

En cas de refus de sa dĂ©mission, le fonctionnaire territorial peut saisir la commission administrative paritaire. Celle-ci doit alors Ă©mettre un avis motivĂ© qu’elle transmet Ă  l’autoritĂ© compĂ©tente.

 

09 – L’agent démissionnaire a-t-il droit aux allocations pour perte d’emploi ?

Tant qu’elle n’a pas encore Ă©tĂ© acceptĂ©e par l’administration, l’agent peut retirer sa dĂ©mission. Aucune disposition n’impose qu’il le fasse par Ă©crit. Il peut, par exemple, recourir Ă  un simple appel tĂ©lĂ©phonique (CE, 30 avril 2004, req. n°232264). En revanche, une fois acceptĂ©e, la dĂ©mission est irrĂ©vocable (lire la question n°5). Le juge administratif considère, nĂ©anmoins, que l’agent peut revenir sur sa dĂ©cision si celle-ci a Ă©tĂ© prise sous une contrainte physique ou morale. Tel Ă©tait le cas lorsqu’une femme de service, convoquĂ©e pour s’expliquer sur son comportement, a signĂ© une lettre de dĂ©mission avant de revenir sur sa dĂ©cision par un courrier ultĂ©rieur.

Lorsqu’il estime devoir revenir sur sa dĂ©mission, un agent dispose d’un dĂ©lai très bref. En effet, le juge considère que la dĂ©mission n’a pas Ă©tĂ© donnĂ©e sous la contrainte quand, par exemple, deux ou trois jours s’écoulent entre une rencontre avec le supĂ©rieur de l’agent et la prĂ©sentation de la dĂ©mission. A l’inverse, le juge n’a pas admis que l’agent revienne sur sa dĂ©mission trois semaines après l’avoir donnĂ©e (CAA de Marseille, 22 fĂ©vrier 2022, req. n°20MA03571).

 

10 – L’agent dĂ©missionnaire a-t-il droit aux allocations pour perte d’emploi ?

De manière générale, sauf motif légitime, la démission n’ouvre pas droit aux allocations pour perte d’emploi. L’autorité administrative apprécie, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les motifs de la démission d’un agent permettent de l’assimiler à une perte involontaire d’emploi. Sera ainsi considérée comme légitime la démission d’un agent pour suivre son conjoint appelé à déménager pour des raisons ­professionnelles.

RÉFÉRENCES
21 avril 2022
La Gazette des Communes