La nouvelle autorisation d'instruction à domicile
À compter de la rentrée scolaire 2022, l'autorisation préalable d'instruction dans la famille se substitue à la simple déclaration annuelle actuelle.
L'instruction à domicile, reconnue depuis 1882, avait été déjà restreinte par la loi Blanquer qui introduisait la possibilité de contrôles inopinés de l'instruction dispensée (1). La loi confortant les principes de la République (2) renforce cette logique d'encadrement et opère un renversement de principe : la scolarisation de tous les enfants dans un établissement scolaire devient obligatoire et l'instruction en famille dérogatoire (art. L. 131-2 du code de l'éducation). Désormais, elle sera soumise à autorisation (et non plus seulement à déclaration) et accordée dans un nombre de cas restreints. Ces dispositions entrent en vigueur à la rentrée scolaire 2022 (les familles pratiquant l'instruction à domicile en 2021-2022 bénéficient d'une autorisation de droit pour les deux prochaines années scolaires).
1. La délivrance de l'autorisation
L'autorisation est délivrée par le directeur académique des services de l'Éducation nationale (DASEN) pour une année scolaire (art. L. 131-5-1 du code de l'éducation). Sauf dans le cas d'enfants malades ou handicapés, où l'autorisation peut être accordée pour trois années scolaires, elle doit donc être accordée avant chaque rentrée (la demande doit être faite entre le 1er mars et le 31 mai) (3).
Pour la délivrer, le rectorat doit s'assurer que la demande répond à l'un des motifs recevables, mais également contrôler la capacité à instruire de la personne en charge de l'enfant et vérifier que le projet d'instruction est adapté aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant (4). Pour cela, il peut convoquer l'enfant, ses responsables et les personnes chargées de l'instruire à un entretien. Sa décision est rendue dans un délai de 2 mois maximum, l'absence de réponse valant acceptation. Le maire (et le président du conseil départemental) est informé des autorisations qui sont délivrées à des enfants de sa commune et du changement de domicile des familles qui ont reçu une autorisation.
Dans le cas où un enfant est instruit dans sa famille sans avoir bénéficié d'une autorisation, ses parents ou tuteurs légaux sont mis en demeure de l'inscrire sous quinze jours dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé. Le maire devra être immédiatement averti de l'école choisie.
2. Quatre motifs recevables
L'autorisation peut être accordée uniquement pour certains motifs, dûment justifiés (3) :
-
l'état de santé de l'enfant ou son handicap. Celui-ci est établi au moyen d'un certificat médical ou des décisions de la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ;
-
la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives. La demande devra comprendre une attestation d'inscription auprès d'un organisme et une « présentation de l'organisation du temps de l'enfant, de ses engagements et de ses contraintes établissant qu'il ne peut fréquenter assidûment un établissement d'enseignement » (3) ;
-
l'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
-
l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve de justifier « de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant » (3). Pour cela, la famille devra produire « une présentation écrite du projet éducatif comportant les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant » (méthodes pédagogiques, supports éducatifs, rythme et durée des activités…). De plus, la personne chargée d'instruire l'enfant devra être titulaire au moins du baccalauréat (ou équivalent) et s'engager (déclaration sur l'honneur) à dispenser l'instruction majoritairement en français (art. R. 131-11-5 du code de l'éducation).
Une cinquième hypothèse est celle où l'enfant est exposé à un danger dans son établissement (par exemple, en cas de harcèlement scolaire). Dans ce cas, l'instruction en famille peut être dispensée, en urgence, avant que l'autorisation soit accordée (mais après qu'elle a été demandée).
Le contrôle du juge
Le DASEN chargée de délivrer l'autorisation d'instruction à domicile est tenu de fonder sa décision sur l'un des quatre motifs définis par la loi, « excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit. » (4). Ce contrôle incombera au juge administratif saisi des décisions de refus.
3. La contestation du refus de l'autorisation
Le refus d'autorisation peut être contesté dans un délai de quinze jours à compter de sa notification écrite, auprès d'une commission présidée par le recteur d'académie (art. D. 131-11-10 du code de l'éducation) (5) (6). Il s'agit d'un recours administratif préalable obligatoire avant toute saisine du juge administratif (art. D. 131-11-13). La commission se réunit dans un délai d'un mois maximum à compter de la réception du recours. Sa décision est notifiée dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de cette réunion (art. D. 131-11-12).
4. Le contrôle de l'instruction à domicile
La mise en place de l'autorisation ne remet pas en cause les outils de suivi de l'instruction à domicile existant. S'y ajoute dorénavant le contrôle d'une nouvelle instance départementale chargée de prévenir l'évitement scolaire.
A. Enquête de la mairie
Comme auparavant, les familles font l'objet d'une enquête de la mairie dès la première année, puis tous les deux ans. Cette enquête a pour objet de vérifier la réalité des motifs avancés pour dispenser l'instruction dans la famille (au risque du doublon avec l'instruction de la demande d'autorisation), et d'établir « s'il est donné à l'enfant une instruction dans la mesure compatible avec son état de santé et les conditions de vie de la famille » (art. L. 131-10 du code de l'éducation). Elle ne porte pas sur la qualité de l'instruction dispensée dont le contrôle relève du DASEN, et n'est pas non plus une enquête sociale. Elle peut donc être effectuée par des agents de la commune (7). Dans le cadre de cette enquête, les parents de l'enfant doivent dorénavant fournir une attestation de suivi médical.
B. Contrôle pédagogique
Comme c'est le cas aujourd'hui, le DASEN doit au moins une fois par an, vérifier que l'instruction dispensée au même domicile l'est pour les enfants d'une seule famille et que l'enseignement permet à l'enfant d'acquérir les connaissances et compétences correspondant à son cycle de scolarité (art. L. 131-10). Les familles ont l'obligation de se soumettre aux contrôles (y compris inopinés (8)), sous peine, après deux refus sans motif légitime, d'être mises en demeure d'inscrire leur enfant dans un établissement scolaire, dans les quinze jours (art. R. 131-14 à R. 131-16-4). À défaut, elles encourent six mois d'emprisonnement et 7 500 € d'amende (art. 227-17-1 du code pénal).
C. Nouvelle instance
L'instance départementale chargée de la prévention de l'évitement scolaire – coprésidée par le préfet et le DASEN – est désormais chargée d'assurer le suivi de l'obligation scolaire et notamment du respect des mises en demeure d'inscription dans un établissement d'enseignement (art. D. 131-4-1) (9). Composée du président du conseil départemental, des maires des communes et des présidents des EPCI, des directeurs de la CAF et de la MSA et du procureur de la République, elle se réunit deux fois par an.
Impact limité dans les communes
L'instruction à domicile concernerait 62 000 élèves en France. Selon l'étude d'impact de la loi, la réforme de l'instruction en famille amènerait près de 29 000 nouveaux élèves dans les écoles. Avec un impact quasiment nul dans les communes en raison des évolutions démographiques : le nombre d'élèves du premier degré devrait continuer à baisser jusqu'en 2026 (- 300 000 enfants en quatre ans).
Jean-Christophe Poirot
pour Le Journal des Maires
(1) Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 ; décret n° 2019-823 du 2 août 2019.
(2) Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 (art. 49).
(3) Décret n° 2022-182 du 15 février 2022.
(4) Conseil constitutionnel, n° 2021-823 DC du 13 août 2021.
(5) Décret n° 2022-183 du 15 février 2022.
(6) Décret n° 2022-849 du 2 juin 2022 ; CE, 16 mai 2022, n° 463123.
(7) Circulaire NOR : MENE1709043C du 14 avril 2017.
(8) CE, 2 avril 2021, n° 435002.
(9) Décret n° 2022-184 du 15 février 2022.