Point sur les règles de cumul d’activités


Les agents publics doivent consacrer l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées et ne peuvent donc, en principe, exercer une activité privée lucrative. Ce principe connaît des exceptions soumises à des règles strictes. Retour sur le régime juridique du cumul d’activités.

Appréhender le régime de déclaration d’un cumul

Parmi les exceptions au principe d’interdiction de cumul d’activités figurent les activités soumises à simple déclaration auprès de l’autorité territoriale.

Deux hypothèses sont ici concernées. Celle de l’agent lauréat d’un concours ou recruté en qualité d’agent contractuel et qui exerce alors une activité de dirigeant de société ou d’une association à but lucratif, lequel peut continuer à exercer cette activité pendant une durée d’un an à compter de son recrutement, renouvelable une fois.

L’autre hypothèse est celle de l’agent contractuel qui occupe un emploi permanent à temps non-complet pour une quotité inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire de travail et qui peut exercer une activité privée lucrative en dehors de ses obligations de service. Si ce système de déclaration paraît offrir une large tolérance aux agents dès lors qu’ils n’ont pas à solliciter l’autorisation d’exercer une activité privée lucrative en sus de leurs fonctions, il ne rime pas pour autant avec absence de contrôle.

En effet, dans les deux cas, l’agent doit au préalable adresser à l’autorité territoriale une déclaration écrite, selon un modèle défini par arrêté, mentionnant la nature de son ou de ses activités privées ainsi que, le cas échéant, la forme et l’objet social de son entreprise, son secteur et sa branche d’activités.

Ce qui permet à l’autorité territoriale de s’assurer que l’exercice de cette activité est compatible avec ses obligations de service, ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance et à la neutralité du service ou aux principes déontologiques et ne méconnaît pas les dispositions du code pénal relatives à la prise illégale d’intérêts. Dans le cas contraire, l’autorité territoriale peut s’opposer à ce cumul ou y mettre un terme à tout moment.

Mettre en œuvre le régime d’autorisation de cumul

Autre exception, la possibilité pour tout agent de solliciter l’autorisation d’exercer, en sus de ses fonctions, une activité accessoire privée ou publique, lucrative ou non. Si la nature des activités non lucratives pouvant être exercées dans ce cadre est libre, seules certaines activités lucratives sont possibles, à savoir celles visées par l’article 11 du décret du 30 janvier 2020 (par exemple, enseignement et formation, travaux de faible importance auprès de particuliers…).

En outre, l’activité en cause, qu’elle soit lucrative ou non, doit nécessairement revêtir un caractère accessoire. Ce qui signifie, bien qu’aucun plafond horaire ne soit fixé, que son volume ne doit pas excéder celui de l’activité principale ni d’évidence être trop important, la doctrine s’accordant à dire qu’en proportion, une activité impliquant une poignée d’heures par semaine pour un agent à temps plein est accessoire.

En revanche, le juge administratif a considéré que ne revêtait pas un caractère accessoire l’activité qui représentait 57 % du volume horaire théorique de l’activité principale de l’agent et près de 70 % de son volume horaire effectif, justifiant qu’un refus soit opposé à sa demande de cumul.

Plus largement, l’exercice d’une activité accessoire doit être compatible avec les fonctions principales de l’agent et ne pas affecter leur exercice. Sur ce fondement a été jugé légal le refus opposé à la demande d’un agent de voir son autorisation de cumul renouvelée alors qu’il n’accomplissait pas l’intégralité de ses heures dans le cadre de son activité principale

L’exercice de cette activité accessoire doit également être compatible avec les obligations déontologiques de l’agent, ne pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service ni placer l’intéressé en situation de prise illégale d’intérêts.

Afin que l’autorité territoriale puisse s’assurer de l’ensemble de ces éléments, la demande d’autorisation doit être écrite et comporter a minima les informations suivantes : identité de l’employeur ou nature de l’organisme auprès duquel l’activité envisagée sera exercée, nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette dernière.

Si elle ne s’estime pas suffisamment informée, l’autorité territoriale peut demander à l’intéressé, dans un délai de quinze jours suivant sa demande, de compléter cette dernière par tout élément utile. Et en l’absence de transmission d’un élément nécessaire à l’exercice de son contrôle, l’administration peut refuser d’autoriser le cumul, par une décision motivée

Accorder un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise

Le dernier régime d’exception concerne les agents publics à temps complet qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise ou une activité libérale et exercer, à ce titre, une activité privée lucrative. Ces derniers doivent solliciter au préalable non seulement une autorisation de cumul, comme évoqué précédemment, mais également celle d’effectuer leur service à temps partiel, lequel ne peut être inférieur à un mi-temps.

Cette autorisation est accordée pour une durée maximale de trois ans à compter de la date de création ou de reprise de l’entreprise, renouvelable pour une durée d’un an après dépôt d’une nouvelle demande. Là encore, une telle autorisation ne peut être accordée qu’à condition que le projet ne porte pas atteinte à la continuité et au bon fonctionnement du service compte tenu des possibilités d’aménagement de l’orga­nisation du travail. Et peut être retirée à tout moment si ces conditions ne sont plus remplies.

Le juge administratif a ainsi considéré comme bien fondée la décision refusant à un agent la poursuite de son activité d’agent commercial auprès d’une entreprise immobilière, sous le statut d’autoentrepreneur, ce dernier ayant, depuis la création de son autoentreprise, fait preuve de retards de plus en plus fréquents dans la prise de service, utilisé une partie importante de ses heures de service pour des appels téléphoniques privés et adopté à l’égard de ses collègues un comportement manifestant son détachement vis-à-vis de l’administration et la priorité donnée à son activité privée

Par ailleurs, le projet de création ou de reprise d’une entreprise doit être compatible avec les fonctions exercées par l’agent, au regard notamment de ses obligations déontologiques, et ne pas placer ce dernier en situation de prise illégale d’intérêts. Une procédure particulière est alors prévue en cas de doute de l’administration sur cette compatibilité.

Dans cette hypothèse, l’administration peut en effet saisir le référent déontologue pour avis et si cet avis ne permet pas de lever le doute, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. La saisine la haute autorité est en revanche obligatoire lorsque sont en cause des emplois soumis à obligation de transmission préalable d’une déclaration d’intérêts et/ou de situation patrimoniale.

Sanctionner les manquements aux règles de cumul

Cette possibilité est directement prévue par l’article L.123-9 du code de la fonction publique. Et suppose d’abord d’établir la matérialité de la faute commise, à savoir l’exercice d’un cumul d’activités sans respect des procédures de déclaration ou d’autorisation préalables.

La preuve est libre, à condition d’être loyale. A cette occasion, le Conseil d’Etat a confirmé la possibilité pour l’administration de recourir, comme moyen de preuve du cumul illégal, aux services d’un détective privé. Se pose ensuite la question de la proportionnalité de la sanction pouvant être prononcée, laquelle dépend fortement des circonstances de chaque espèce.

Toutefois, plus la période de cumul non autorisé ou non déclaré est longue ou si l’agent a été informé du caractère illégal de ce cumul sans toutefois régulariser sa situation ou a usé de manœuvre pour tenter de dissimuler ce cumul, plus la sanction prononcée pourra être élevée, pouvant aller jusqu’à la révocation.

L’article L.123-9 du code de la fonction publique prévoit également la possibilité pour l’administration de récupérer les sommes indûment perçues par l’agent dans le cadre de son cumul illégal, par voie de retenue sur traitement. Il convient alors de préciser que les sommes pouvant être récupérées ne sont pas celles perçues par l’agent au titre de son activité principale, mais celles découlant de l’exercice de son activité accessoire.

La difficulté qui se pose alors pour l’administration est de parvenir à déterminer les montants exacts perçus par ce dernier, cette dernière ne disposant d’aucun moyen de contraindre l’agent de lui fournir de telles informations.

RÉFÉRENCES