Tout savoir sur la lutte contre l’occupation illicite des logements



Dans cette analyse, Aurélien Debray, avocat et docteur en droit public, décrypte les nouvelles dispositions issues de la loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre ­l’occupation illicite. L'occasion, notamment, de rappeler la distinction entre le « squatteur » et le locataire défaillant.

Après plusieurs affaires plus ou moins retentissantes au sujet de logements ­squattés et de propriétaires ne pouvant plus accéder à leur bien, les parlementaires ont adopté la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre ­l’occupation illicite.

Le rapport du député Guillaume ­Kasbarian, fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi visant à protéger les habitations contre l’occupation illicite, rappelait en préambule un principe clair : « La protection de la propriété des personnes est un principe fondamental de notre République : inscrite, dans la ­Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, elle permet de préserver le fruit des longues années de travail de ceux qui se sont constitué un patrimoine à la sueur de leur front. »

Il est vrai que l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce un programme de protection de la propriété privée assez clair et ambitieux : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »

Ne pas être dépossédé de sa propriété privée consiste bien évidemment à ne pas s’en voir interdire l’accès aux motifs que des ­occupants en ont pris possession. Une telle configuration peut se retrouver dans deux cas de figure : lorsque des personnes se sont ­introduites sans droit ni titre dans la ­propriété et en ont pris possession ; lorsque des personnes se sont légalement ­installées dans la propriété et se sont trouvées, notamment en raison d’impayés de loyers, dans une situation de locataires défaillants.

L’une des récentes affaires connues est celle de Théoule-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, où un couple de septuagénaires avait vu sa résidence secondaire être ­occupée sans droit ni titre par un couple avec enfants. Les septuagénaires, dans ­l’incapacité d’accéder à leur propriété, se sont à leur tour retrouvés sans domicile.

Une autre affaire récente a obtenu un écho médiatique : il s’agit d’un logement situé à Fresenneville, dans la Somme, pour lequel le locataire ne payait plus son loyer (ce qui a duré plusieurs mois). Ne pouvant plus disposer de son bien, la propriétaire avait décidé d’organiser une action pour alerter sur l’impasse dans laquelle elle avait l’impression de se trouver et écrit la ­mention « squatteur » sur un mur. Pour autant, il ne s’agissait pas d’un squatteur, mais bien d’un locataire défaillant, ce qui n’emporte pas les mêmes conséquences juridiques.

C’est à ce double défi que la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite entend essayer de répondre. En effet, si l’on devait résumer le sens de cette loi, on pourrait dire qu’elle traduit une volonté de sanctionner plus fermement et lourdement les occupants entrés par des manœuvres, des menaces, des voies de fait, des contraintes. A l’inverse, contrairement à sa volonté de sanctionner davantage les squatteurs, la loi entend mieux accompagner les locataires défaillants qui se trouvent en difficulté.

De façon générale, l’esprit de la loi, comme le rappelait le préambule du rapport, est de mieux protéger la propriété privée. La loi entend ainsi également sécuriser les rapports locatifs. C’est donc sous la forme d’un triptyque qu’elle a été construite : la volonté de mieux réprimer le squat, l’exigence de ­sécuriser davantage les rapports locatifs et le renforcement de ­l’accompagnement des ­locataires en difficulté.

Un élargissement et un alourdissement de la répression du squat

La loi du 27 juillet 2023 a entendu réprimer plus efficacement le squat et, pour cela, elle a tout d’abord souhaité élargir la notion de « domicile ».

Désormais, l’article 226-4 du code pénal précise que « constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non ». Dans le cas de l’affaire du couple de Théoule-sur-Mer, que nous avons citée, il s’agissait initialement de leur résidence secondaire.

Un tel élargissement de la notion de « domicile » présentait donc un intérêt. La loi visant à protéger les logements contre les occupations illicites a également opéré un élargissement des lieux dans lesquels le squat sera réprimé. Un nouvel article 315-1 du code pénal vient en effet sanctionner l’introduction dans un local à usage ­d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel et ce, à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

La loi du 27 juillet 2023 va également dans le sens d’un alourdissement des sanctions. Ainsi, avant la loi précitée, l’article 226-4 du code pénal punissait l’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Le maintien dans le domicile d’autrui dans ces conditions était puni des mêmes peines. Il en va ­différemment depuis l’entrée en vigueur de la loi du 27 juillet 2023, puisque l’infraction est désormais punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Un accroissement de la sécurisation des rapports locatifs

La sécurisation des rapports locatifs est développée dans la loi du 27 juillet à travers les articles 9 à 11 et correspond à une longue liste de modifications.

Si l’on doit retenir l’une des principales évolutions des rapports locatifs, on notera l’obligation d’insérer une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer, pour non-versement du dépôt de garantie ou des charges aux termes convenus.

L’accroissement de la sécurisation des rapports locatifs traduit également un durcissement des actions à l’encontre des locataires.

A titre d’exemple, l’article 10 de la loi réduit de deux mois à six semaines le délai qui sépare le commandement de payer de la mise en œuvre de la clause résolutoire pour défaut de paiement.

Le juge peut désormais supprimer le délai de deux mois qui suit le commandement lorsqu’il constate la mauvaise foi de la ­personne expulsée ou que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Si l’on observe une sécurisation des ­rapports locatifs en faveur d’une ­protection du bailleur et au contraire avec un ­durcissement du dispositif s’agissant du locataire défaillant, on peut aussi noter que des moyens ont été mis en place pour apporter une aide à ce dernier.

Un renforcement de l’accompagnement des locataires en difficulté

A l’échelon départemental, il existe les commissions spécialisées de coordination des actions de prévention des expulsions locatives. Ces dernières ont pour mission de regrouper l’ensemble des acteurs qui pourraient agir utilement pour un locataire en situation d’impayé.

La loi du 27 juillet 2023 vient renforcer le rôle de ces commissions à travers son article 12. Outre une évolution des missions, cet article vient également apporter une évolution organisationnelle, puisque désormais, cette instance sera coprésidée par le représentant de l’Etat dans le département, le président du conseil départemental et le président de la métropole « lorsqu’il assure la gestion d’un fonds de solidarité intercommunal ».

RÉFÉRENCES
8 novembre 2023
Aurélien Debray
Avocat, docteur en droit public
pour La Gazette des Communes