Accident de service : le juge face à une altercation entre le maire et un agent


Lorsqu’un entretien entre un agent et son supérieur donne lieu à un comportement excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, il peut constituer un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent. C'est ce qu'a rappelé la Cour administrative de Marseille dans un arrêt du 8 décembre.

A la suite d’une altercation avec le maire, la secrétaire générale d’une commune a demandé la reconnaissance de cet incident comme un accident de service.

Après un premier refus, l’agente a obtenu gain de cause devant le juge administratif qui a demandé au maire de réexaminer sa situation. Mais, le maire a rejeté sa nouvelle demande de reconnaissance d’accident de service. L’intéressée a alors de nouveau saisi la juridiction administrative qui, cette fois, a rejeté ses demandes d’annulation. En appel, la Cour administrative d’appel de Marseille vient de se prononcer et considérer que le maire a, par son comportement, excédé les limites du pouvoir hiérarchique.

Condamnation pénale

En l’espèce, le maire a été reconnu coupable par le juge pénal de faits de harcèlement moral à l’encontre de la secrétaire générale de la commune. Il a ainsi été condamné à une peine de détention à domicile sous surveillance électronique pendant trois mois à titre de peine principale, sa culpabilité ayant par ailleurs été confirmée par la Cour de cassation.

En effet, l’intéressée s’était vu refuser l’accès au bureau du maire, n’avait plus accès à ceux de la comptabilité et des ressources humaines, et des missions lui ont progressivement été retirées, ainsi que ses outils de travail.

Plus encore, un mouvement d’arrêt de travail généralisé de l’ensemble des agents de la commune avait été organisé, avec l’accord du maire et de l’avocat de la commune, dans le but de démontrer à la secrétaire générale qu’il existait un grand nombre de difficultés dans l’ensemble des services, depuis qu’elle occupait ses fonctions, qui seraient liées à un manque de disponibilité de sa part.

Le même jour, elle a été reçue dans le bureau du maire, qui lui a indiqué que les agents ne voulaient plus travailler avec elle. C’est à la suite de cet entretien qu’elle a été placée en congé maladie pour lequel elle a sollicité, jusque-là en vain, la reconnaissance de l’imputabilité au service.

Exercice normal du pouvoir hiérarchique

Plusieurs certificats médicaux attestent que ce jour-là, l’intéressée a présenté un état anxio-dépressif, avec tremblements et tachycardie, et qu’elle souffre désormais d’un syndrome dépressif récurrent avec de fortes charges anxieuses et une importante souffrance psychique, en lien avec le harcèlement professionnel dont elle a fait l’objet. Il s’avère que l’intéressée a subi un choc psychologique, une humeur dépressive avec des idées suicidaires, à la suite notamment de ce mouvement de travail et de son altercation avec le maire le même jour.

Les juges de la CAA de Marseille ont pu en déduire que le maire a, par son comportement, excédé l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. Ainsi, l’entretien houleux de l’agente avec le maire doit être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, alors même que l’intéressée aurait souffert d’un état anxio-dépressif préexistant.

Par conséquent, en refusant de reconnaître l’imputabilité au service de cet accident, le maire a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation. Les juges l’ont donc enjoint de prendre une décision reconnaissant l’imputabilité au service de l’accident de service dont a été victime l’intéressée et de reconstituer ses droits.

RÉFÉRENCES

9 janvier 2024

La Gazette des Communes