Congé maternité : une agente veut démontrer au juge qu’elle a été placardisée


Le retour au bureau après des congés maternité et parental n'est pas toujours facile, y compris dans la fonction publique territoriale. Dans un arrêt du 15 février 2024, la Cour administrative d'appel de Paris a été saisie de faits qui, pour le juge, font bien présumer d'une situation de discrimination en lien avec un congé maternité, et donc fondée sur le sexe. 

Une agente territoriale a enchaîné congés maternité et parental sur une période de trois ans : directrice de la petite enfance lorsqu’elle est partie, le maire l’a affectée, à son retour, sur le poste de responsable du service des achats, relevant de la direction de la commande publique de la commune.

Devant le juge, elle dénonce des agissements de harcèlement moral dont elle s’estime victime. Elle demande la réparation des préjudices qu’elle considère avoir subis à cause, notamment, de sa nouvelle affectation, de sa rétrogradation et de sa « placardisation », qui révéleraient une sanction déguisée ou une discrimination.

Motifs entachés de discrimination

L’article 4 de la loi du 27 mai 2008 indique que « toute personne qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d’en présumer l’existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

Le juge de la Cour d’appel administrative de Paris a expliqué la marche à suivre : de manière générale, le juge administratif doit demander aux parties de lui fournir tous les éléments d’appréciation de nature à établir sa conviction. S’il est soutenu qu’une mesure a pu être empreinte de discrimination, cette responsabilité doit tenir compte des difficultés à apporter une telle preuve, et des exigences qui s’attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l’égalité de traitement des personnes.

Le requérant qui s’estime lésé par une telle mesure doit soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe. Le défendeur, quant à lui, doit produire tous les éléments qui démontrent au contraire que la décision attaquée a été prise pour d’autres motifs. Le juge doit se fonder sur ces échanges contradictoires. En cas de doute, il doit compléter ces échanges en ordonnant une mesure d’instruction.

Des missions inexistantes

Ici, les faits sont implacables. À son retour, l’agente a été affectée sur le poste de responsable du service des achats en octobre 2016. Mais d’après elle, on ne lui a confié aucune tâche, et la commune ne justifie ni des missions effectivement attribuées à cette agente, ni de l’activité de cette dernière en exécution de ces missions.

Un fait éloquent est alors relevé : son supérieur hiérarchique en fonction jusqu’en 2017 s’est déclaré étonné de la voir affectée en qualité de responsable du service des achats, alors que, selon ses propos, il était lui-même directeur des achats et qu’il a indiqué « ne jamais avoir su ce qu’elle faisait ». Son successeur, en poste jusqu’en juillet 2018, a décrit la requérante comme un « agent qui ne faisait rien » et ne voulait pas travailler sur « les missions confiées ». Mais la nature et la réalité de ces missions n’ont pas été précisées par l’administration.

De plus, l’agente n’a fait l’objet d’aucune évaluation annuelle en 2016 et 2017, alors que la durée de sa présence au service en 2016 était suffisante pour permettre à l’administration de procéder à cette évaluation et qu’en 2017, aucune justification fondée n’est invoquée par la commune : le départ des supérieurs hiérarchiques ne suffit pas.

Enfin, dans le dossier d’avancement soumis à la commission administrative paritaire pour le grade d’attaché hors classe, il s’avère que le dossier de la requérante ne contenait pas l’avis de son supérieur hiérarchique, contrairement aux trois autres candidats proposés. Là encore, la commune n’a pas justifié cette différence de traitement.

Finalement, les éléments produits par l’agente font bien présumer une situation de discrimination en lien avec ses absences en dernier lieu au titre de congés maternité, et donc fondée sur le sexe. La commune a bien commis une faute qui engage sa responsabilité. Le juge confirme aussi l’annulation de la décision de la commune de refuser d’accorder à la requérante le bénéfice de la protection fonctionnelle.

RÉFÉRENCES

12 mars 2024

La Gazette des Communes