Les fonctionnaires doivent faire attention à leur passé sur les réseaux sociaux


La cour administrative d’appel de Toulouse vient de confirmer la révocation d’un inspecteur des finances publiques pour des tweets racistes, antisémites ou xénophobes. Certains des posts qui lui étaient reprochés avaient beau être antérieurs à son intégration dans la fonction publique, l’administration pouvait toutefois en tenir compte pour engager une procédure disciplinaire, expliquent les juges. 

Les fonctionnaires peuvent se voir reprocher des faits antérieurs à leur nomination. Et notamment des posts sur les réseaux sociaux, comme vient de l’indiquer la Cour administrative d’appel de Toulouse dans un arrêt du 17 juin. Un arrêt par lequel elle a confirmé la révocation d’un inspecteur des finances publiques pour des tweets racistes, antisémites ou xénophobes.

Lauréat du concours externe d’inspecteur des finances publiques de l’année 2019, l’intéressé avait été scolarisé en qualité d’inspecteur stagiaire à compter du 1er septembre 2019 à l’école nationale des finances publiques (Enfip), puis affecté à compter du 28 août 2020 comme inspecteur à la direction régionale des finances publiques (DRFIP) de l’Occitanie et du département de la Haute-Garonne. Par un arrêté du 30 septembre 2020, l’administration avait néanmoins prononcé sa révocation pour des “tweets contenant des termes de nature raciste ou antisémite ou hostiles à certaines communautés de personnes”. Selon Bercy, ces agissements étaient “constitutifs de manquements aux obligations de neutralité, de réserve et de dignité qui s’imposent aux fonctionnaires”. L’administration pointait aussi une “l’atteinte” portée par ces publications “à l’image de l’administration”.

“Sphère privée” ?

Mécontent de cette sanction, cet agent avait décidé de contester sa révocation devant la justice. Sa requête ayant été rejetée en première instance par le tribunal administratif de Toulouse, il avait décidé de faire appel devant la Cour administrative d’appel de cette même ville. Selon ce fonctionnaire, les tweets qui lui étaient reprochés ne présentaient pas le caractère de faute disciplinaire “ dès lors que la plupart [étaient] antérieurs à son intégration dans l’administration “. Les messages postérieurs à son intégration ne pouvaient pas non plus lui être reprochés, ajoutait-il : parmi eux, “un provient d’un cercle politique et culturel légal en France et un autre est la rediffusion de la publication d’un mouvement politique légal en France”.

Selon le requérant, par ailleurs, ces tweets “relèvent de la sphère privée” et “n’excédaient pas les limites de son droit à la liberté de conscience et à la liberté d’expression”. Il disait aussi avoir supprimé son compte Twitter après avoir bénéficié en septembre 2019 d’une formation sur l’impartialité et le devoir de réserve liés aux devoirs du fonctionnaire. Autant d’arguments rejetés par les juges de première instance comme, aujourd’hui, par les juges d’appel.

“Lorsque l’administration estime que des faits, antérieurs à la nomination d’un fonctionnaire mais portés ultérieurement à sa connaissance, révèlent, par leur nature et en dépit de leur ancienneté, une incompatibilité avec le maintien de l’intéressé dans la fonction publique, il lui revient, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, d’en tirer les conséquences en engageant une procédure disciplinaire en vue de procéder, à raison de cette incompatibilité, à la révocation de ce fonctionnaire”, explique notamment la cour administrative d’appel de Toulouse.

Anonymat non assuré

Aussi, poursuivent les juges, l’administration “pouvait tenir” compte des tweets antérieurs au début de la scolarité du requérant à l’Enfip dès lors que ces publications “ont été portées à la connaissance de l’administration postérieurement à son entrée dans l’école et, au demeurant, qu’elles étaient encore visibles en lignes à la date du début de la scolarité”. Les tweets postérieurs à son entrée à l’Enfip quant à eux faisaient état de ce qu’“une négresse se permet de faire la police de la pensée” ou relayaient des publications d’autres comptes glorifiant le Maréchal Pétain ou faisant référence à Hitler, à l’occasion de la date anniversaire de sa naissance, comme le “Napoléon allemand qui a marqué le XXᵉ siècle”. Dans ses posts, le fonctionnaire commentait aussi des faits d’actualité en des termes racistes, antisémites ou xénophobes ou relayaient des publications de même inspiration.

Pour contester sa sanction en justice, le requérant disait avoir agit sous pseudonyme. Dans les faits, les publications en cause ont effectivement été mises en ligne sur le réseau social Twitter sous couvert d’un pseudonyme. Insuffisant, néanmoins, selon les juges. “Compte tenu du numéro du département d’origine de l’intéressé, des premières lettres de son prénom et de la photographie associée au pseudonyme, l’anonymat des publications n’était pas assuré “, précisent-ils.

Liberté d’expression outrepassée

Surtout, par la publication d’un tweet en février 2019, l’intéressé avait fait état de sa réussite au concours d’inspecteur des finances publiques. Aussi, explique la cour, l’auteur du compte a facilité “son identification et rendait publique sa qualité de fonctionnaire”. Le lien entre l’auteur des publications et l’administration dont il relevait pouvait donc être publiquement établi selon les juges. “Ses interlocuteurs pouvaient associer l’administration à ses écrits”, poursuivent-ils.

Pour les juges, le requérant ne pouvait “utilement invoquer l’absence de poursuites pénales à son endroit” suite à ses publications. Ses propos “excèdent la simple liberté d’expression dont jouissent les fonctionnaires, laquelle doit s’exercer dans la limite de leur devoir de neutralité et de réserve”, confirment-ils. Selon la cour, ce fonctionnaire ne pouvait donc pas invoquer une atteinte à sa liberté d’opinion et de conscience, ses publications n’étant pas cantonnées à la sphère privée ni à l’anonymat.

“Dès lors, ses manquements à son obligation de dignité, de neutralité et de réserve sont constitutifs d’une faute, et de nature à justifier une sanction disciplinaire”, conclut la cour, en validant donc la légalité de sa révocation. Et ce, malgré la suppression de son compte Twitter.

25 juin 2025
Bastien Scordia
pour ACTEURS PUBLICS