Remise prix Francis Blanchard Afoit-Ocirp 2023

Rédigé le 25/04/2023

Retour sur la remise du prix Francis Blanchard Afoit-Ocirp 2023 : 

Suite à la délibération du jury présidé par M. Gwenaël PROUTEAU, Président de l'Afoit, et composé de M. Cyril COSME, Mme Anne-Catherine CUDENNEC, MM. Patrick FRIEDENSON, Bernard GERNIGON, François HENOT, Jean-Claude JAVILLIER et Jean-Manuel KUPIEC, l'AFOIT a organisé une matinée dédiée à la remise du 12ème prix Francis Blanchard AFOIT-OCIRP au Conseil Economique Social et Environnemental. À cette occasion, notre association a renouvelé ses plus vifs remerciements à l'OCIRP pour son soutien financier, qui permet à l’Afoit de continuer à honorer la mémoire de Francis Blanchard et à reconnaitre les travaux qui valorisent et mettent en avant les actions de l'OIT. La Présidente de l'OCIRP, Mme Liliane Bourel, devait participer à cette remise du 12ème prix ; malheureusement, son avion a été annulé à la dernière minute et c'est M. Jean-Manuel KUPIEC qui a représenté Mme Bourel. 

 

Après l'intervention du Président de l'AFOIT, qui a souhaité la bienvenue aux participant.e.s et présenté le prix et les travaux retenus, la parole a été donnée à M. Jean--Manuel KUPIEC pour l’annonce des résultats. 

 

Le Prix Francis Blanchard AFOIT-OCIRP 2022 a été attribué à :

  • Mme Sylvie DUMANOIR pour sa thèse « L’effectivité des normes de l’Organisation internationale du travail : étude de cas sur le travail des enfants », soutenue en 2021 à l’Université Paris Nanterre (Dir. M. Jean-Marc Thouvenin)

 

La Mention spéciale a été attribuée ex-aequo à :

  • Mme Adeline BLASZKIEWICZ-MAISON, pour sa thèse « Le socialisme au travail : Albert Thomas, 1878-1932 », soutenue à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne en 2021 (Dir. Mme Isabelle LESPINET-MORET)

  • et à Mme Ksenia DYADYUNOVA, pour sa thèse « L’atteinte aux droits syndicaux dans les BRICS : étude à la lumière des décisions du Comité de la liberté syndicale de l’OIT» soutenue à Aix-Marseille Université en 2022 (Dir. Alexis BUGADA)

 

Mme Sylvie DUMANOIR, a d’abord remercié l'AFOIT pour son accueil et l'honneur qu'on lui fait par ce prix. Elle a ensuite rappelé que cette thèse est obtenue en décembre 2021 à l’issue de plusieurs années de travail sur les normes de l’OIT, particulièrement sur le travail des enfants et sur leur effectivité. Le travail des enfants avait alors diminué de façon spectaculaire et a malheureusement repris par la suite. C’est une thèse en droit public international. Elle précise ensuite : « J’ai été tiraillée par les utilités de cette matière : comment peut-elle atteindre des problématiques complexes. J’ai obtenu plusieurs résultats non dénués de paradoxe. J’aurais aimé un travail plus large pour lequel une équipe aurait été nécessaire. Les normes élaborées à l’OIT ont bel et bien été transférées en droit des pays. En chiffres, le travail des enfants a diminué (en droit, on parle alors d’efficacité). Les normes, particulièrement les conventions 138 sur l’âge minimum et 182 sur les pires formes de travail, sont ensuite intégrées en normes juridiques nationales, hormis dans les états en guerre comme l’Irak et l’Ethiopie, ou dans les états qui se dotent de leurs propres mécanismes comme l’Inde. (…). La promotion de ce droit donne place à des innovations juridiques importantes (cf. en France la Loi Sapin sur le devoir de vigilance). Les textes sont utiles ainsi que le fonds d’indemnisation comme celui mis en place lors de la catastrophe du Rana Plaza. Ils peuvent aider les entreprises multinationales par un autre biais.

Pour conclure, et avec du recul : il y a une forme de concurrence normative avec la convention de New York, là où on s’attendrait à de la complémentarité, même si la convention de New York ne fait qu'interdire. Autre signe, la protection sociale des enfants doit aussi faire l’objet d’actions : il y a 2 mois, elle a fait l’objet de communication de l’OIT en ce sens.

La seconde partie de ma thèse porte sur les moyens de les appliquer. J’ai consulté la jurisprudence pour voir si les normes internationales sont appliquées par le juge ? Conclusion : l’intervention du Juge suscite beaucoup d’espoir, mais la lutte contre le travail informel passe plus souvent par l’application de la convention de New York. J’ai pu constater que, bien souvent, et même en France, l’application des conventions 138 et 182 est bien timide. J’espère avoir pu contribuer à agir contre cela ».

La récipiendaire a terminé sa présentation en invitant le monde actuel, plus attentif à l’économique qu’au social, à faire davantage pour satisfaire aux Objectifs de Développement Durable de l’ONU (ODD), qui incluent la lutte contre le travail des enfants. Cela passe par une plus grande implication de tous les acteurs (entreprises, états…) en faveur du travail décent et de la transition vers l’économie formelle. L’effectivité des normes internationales est à ce prix. 

 

Madame Adeline BLASZKIEWICZ-MAISON indique que sa thèse, soutenue en 2021 à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, réalise la biographie complète d’Albert Thomas, qui dépasse évidemment son passage à l’OIT. Elle en profite pour revenir 20 à 30 ans en arrière, s’intéressant à l’histoire du socialisme français et international, et à la carrière personnelle d’Albert Thomas, souvent occultée par sa « légende noire » liée à sa fonction de Ministre de la Guerre pendant la 1ère guerre mondiale.  La récipiendaire précise : « J’ai retracé toute la carrière d’Albert Thomas et j’ai intégré dans ma thèse les discours permettant de saisir son action politique ». L’autrice a consulté une multitude de sources, en France comme au BIT à Genève : archives nationales, archives de l’Office universitaire de recherche socialiste, journaux d’époque (de différents bords), discours d’Albert Thomas. Cela a permis de se représenter toute la palette des actions d’Albert Thomas, notamment à Champigny-sur-Marne, dont il a été Maire. Ses premières expériences politiques sont intéressantes car son passé irrigue son action à international. Elle ajoute : « Merci aux Archivistes, des personnes « ressources » très précieuses pour combler la relative lacune historiographique, (la dernière étude sur Thomas datant de 1959). Le Centenaire de l’OIT en 2019 fut l’occasion pour moi de revenir sur l’action d’Albert Thomas à l’OIT, à rebours, de la légende noire sur ses actions en tant que Ministre de l’Armement. Il a été à l’origine d’une politique sociale internationale qui fut un laboratoire pour l’action tripartite. Par ailleurs, dans son parcours sur le socialisme, Albert Thomas fut contraint de combiner patriotisme républicain et internationalisme, ayant été envoyé en Russie entre février et octobre 1917 et après la révolution bolchévique... ».

La 3ème partie de la thèse, développe une historiographie très riche et explore les relations qui existent encore entre l’OIT et la France par le prisme du réseau socialiste français de 1920 à 1932. Ce fut aussi l’occasion de battre en brèche l’idée selon laquelle Albert Thomas aurait été marginalisé en 1920 dans le paysage socialiste français. L’autrice a terminé en rappelant que, dans son ouvrage de 2004, Francis Blanchard avait rendu hommage à Albert Thomas, au 1er Directeur de l’OIT, auprès duquel le propre père de Francis Blanchard avait travaillé.

 

Madame Ksenia DYADYUNOVA (en distanciel) a commencé par indiquer qu'elle était très honorée de l’intérêt porté à sa recherche, remercié ses directeurs de thèse en France et au Brésil, ainsi que l’attention portée aux lois syndicales dans les BRICS. Elle précise que malheureusement peu de thèses scientifiques ont abordé ce sujet sous l’angle de l’activité normative de l’OIT. Pour ce travail, elle a dû étudier des sources nationales, qu’elles soient judiciaires ou syndicales, mais aussi les décisions du Comité de la Liberté Syndicale de l’OIT. Le champ recèle encore de nombreux défis en termes de régulation et de droit social, l’approche par les sanctions ne menant pas toujours à l’élimination des problèmes. Il faut alors rechercher de nouvelles formes d’influence et de résolution de conflits. La thèse lui a permis d’aborder une étude du groupe des BRICS sous différents aspects dans un contexte mondial en pleine mutation. Elle appelle de ses vœux une coopération des BRICS sur le plan du social, les syndicats et les ministres du travail se retrouvant dans les réunions du forum syndical de la Confédération Syndicale Internationale et à l’OIT où ils sont conviés. L’autrice a analysé les décisions du CLS, que celui-ci regroupe en 3 grands domaines : la protection des personnes, la négociation collective, la construction et l’action des syndicats. L’analyse quantitative et qualitative montre que l’influence du CLS est non négligeable : les recommandations sont suivies de changements de réglementation, positifs sur la législation interne. L’analyse révèle que le suivi des recommandations repose sur la bonne volonté des gouvernements et l’approche convenable s’éloigne des procédures juridiques classiques. Le CLS a plus une position de conseiller.

Il semble que le CLS soit un levier d’action et dans des domaines où les mécanismes de contrôle sont efficaces sur la sécurité des syndicalistes. En effet, des syndicalistes ont été libérés suite à ces recommandations. Il faut aussi rester attentif à l’action des ONG qui ont une véritable expertise dans leur domaine. Elle espère que son travail constituera une base de travail favorisant un plus grand respect des droits syndicaux.

Une fois ces interventions terminées M. Gwenaël Prouteau, Président de l’AFOIT a remercié les intervenantes pour leurs travaux, qui sont d'une qualité remarquable. Il a ensuite invité Jean-Manuel Kupiec, Cyril Cosme à le rejoindre pour la remise des prix. 

Rédaction Afoit : Gwenaël PROUTEAU, Marie Josée MILLAN, Abdallah MOUSSAOUI, et François HENOT